Interview de Jean Asselborn avec le Jeudi

"Dublin ne doit pas être abrogé"

Interview: Le Jeudi


Le Jeudi: L'Europe semble tergiverser face à l'urgence de la crise. Pourquoi?

Jean Asselborn: Nous sommes confrontés à la plus grande crise depuis la Seconde Guerre mondiale. Il serait illusoire de croire que la question puisse se régler rapidement. Cela va au moins durer une décennie et c'est pour cela que l'UE a besoin d'un grand budget et d'une réelle stratégie.

Le Jeudi: Les accords de Dublin ou de Schengen sont beaucoup décriés, faut-il les remettre en cause?

Jean Asselborn: Surtout pas. Dublin ne doit pas être abrogé. Je comprends et j'accepte que l'on ne puisse pas renvoyer en Grèce tous ceux qui arrivent au Luxembourg. Mais on ne peut pas non plus offrir le choix du pays dans lequel le réfugié d'asile va faire sa déclaration. Dublin ne doit pas être remis en cause parce que sinon c'est précisément Schengen qui sera en danger. C'est grave parce que Schengen est sans doute le plus grand acquis de l'UE et il n'est donc pas question de le remettre en cause. D'ailleurs, quand les Allemands rétablissent des contrôles aux frontières, ce n'est pas contre Schengen. Le problème c'est qu'il peut y avoir un effet domino. Mais, face au chaos actuel, nous devons savoir qui frappe à la porte et permettre notamment à la Grèce et à l'Italie de recevoir ces réfugiés avec dignité."

Le Jeudi: Les Européens peinent pourtant à organiser l'accueil digne des réfugiés. Le dernier conseil JAI n'a pas été à la hauteur...

Jean Asselborn: Evidemment, je ne suis pas satisfait du résultat du dernier JAI. Mais il y a eu des avancées. La Grèce va être aidée substantiellement, notamment par le biais de I'EASO (NDLR: Bureau européen d'appui en matière d'asile). Il faut mettre en place des structures pour que la relocalisation des 40.000 et des 120.000 réfugiés puisse fonctionner. Le 22 septembre (NDLR: date du prochain conseil JAI) nous allons réécouter tout le monde. Mais personne ne pourra refuser d'être solidaire. Les Slovaques ne peuvent pas nous dire que la société va se désagréger s'ils accueillent 100 ou 1.000 personnes. Mais pour déconstruire ces peurs, il faut être patient...

Le Jeudi: Ne faut-il pas aussi s'attaquer aux causes de la crise?

Jean Asselborn: C'est bien pour cela qu'il y a un volet externe à notre action, avec notamment la conférence de Malte en novembre avec l'Union africaine. Il faut aussi encourager les contacts avec la Turquie (NDLR: Jean Asselborn s'y rend ce 18 septembre). Les camps là-bas ne fonctionnent plus. Par ailleurs, nous, Européens, n'allons pas arrêter la guerre, mais il faut tout faire pour qu'il n'y ait plus d'armes qui soient envoyées en Syrie. 

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