Interview de Jean Asselborn avec le Jeudi

"En tout, le Luxembourg aura accepté environ 70 personnes ce qui est un chiffre important vu la taille du pays"

Interview: Le Jeudi (Maurice Magar)

Le Jeudi: "Comment réagissez-vous aux critiques de l'Asti (Association de soutien aux travailleurs immigrés) et d'Amnesty sur les difficultés empêchant le regroupement familial des réfugiés syriens?"

Jean Asselborn: "Je dois d'abord dire que je comprends ces deux associations qui tiennent leur rôle dans le débat. En ce qui concerne le regroupement familial, nous agissons cependant dans le cadre de la loi sur l'immigration de 2008 et de la directive européenne sur le regroupement qui date de 2003. Les réfugiés, à partir du moment où ils bénéficient de la protection internationale, sont informés qu'il existe une procédure facilitant le regroupement au cours des trois premiers mois."

Le Jeudi: "L'Asti et Amnesty International estiment toutefois que ce délai est extrêmement court, surtout lorsqu'il s'agit de rassembler certains documents dans un pays en guerre comme la Syrie."

Jean Asselborn: "Les deux associations évoquent un cas précis. La personne qui n'a pas pu bénéficier des mesures de regroupement était un ascendant. Contrairement aux enfants mineurs et aux conjoints, les ascendants ne tombent pas sous le régime du regroupement sauf s'ils sont, dans leur pays d'origine, à charge d'un potentiel regroupant. Les conditions sont clairement expliquées dans la loi et dans la directive européenne. Comme il s'agit d'un cas de figure précis, je crois qu'on ne peut pas dire que l'immigration mette systématiquement des bâtons dans les roues des personnes cherchant à obtenir un regroupement familial."

Le Jeudi: "Comme ces décisions sont prises au cas par cas, n'y a-t-il pas la possibilité de se montrer parfois plus clément?"

Jean Asselborn: "Il faut évidemment prendre les décisions au cas par cas. Mais je le répète: dans le cadre des lois. Si nous nous permettons de passer outre les dispositions légales, nous perdons notre ligne de conduite. De plus, lorsque nous avons accueilli les premiers réfugiés syriens, tous les acteurs impliqués se sont rendus en Jordanie pour interviewer les personnes qui voulaient venir au Luxembourg. Dès le départ, les conditions qui les attendaient chez nous ont été détaillées. C'est-à-dire qu'ils savaient exactement ce à quoi il fallait s'en tenir. De plus, nous dépendons de I'UNHCR (ndlr: Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés) pour l'accueil de réfugiés, surtout lorsque nous allons dans un pays où nous n'avons pas d'ambassade comme la Jordanie."

Le Jeudi: "Vous aviez évoqué l'arrivée d'un deuxième groupe de Syriens. Quand cela aura-t-il lieu et quelles seront les conditions?"

Jean Asselborn: "Le deuxième groupe arrivera le 5 mai à Luxembourg. Cette fois-ci, nous nous sommes rendus en Turquie pour procéder aux entretiens. Ce qui était plus facile puisque nous y disposons d'une ambassade. Les conditions sont les mêmes, et les personnes concernées ont bien sûr été informées sur les conditions du regroupement au Luxembourg."

Le Jeudi: "Combien de réfugiés seront accueillis?"

Jean Asselborn: "Il y en a une bonne quarantaine, mais je ne connais pas les chiffres par coeur. En tout, le Luxembourg aura accepté environ 70 personnes ce qui est un chiffre important vu la taille du pays."

Le Jeudi: "Comment sont-ils pris en charge?"

Jean Asselborn: "Il s'agit avant tout de leur trouver un logement adéquat. Ce qui n'est pas facile. Mais le ministère de la Famille met tout en oeuvre pour que cela se passe bien. Il faut préciser qu'il n'est pas aisé d'absorber autant de personnes et de leur proposer des conditions dignes. C'est également une des raisons qui fait que nous ne pouvons accepter tous les membres des familles par le biais du regroupement. Nous avons des ressources limitées. Et, je n'aime pas le dire, il peut également y avoir des problèmes de sécurité."

Le Jeudi: "Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?"

Jean Asselborn: "Si nous acceptons un réfugié, il bénéficie immédiatement d'une protection internationale. Si jamais celui-ci s'adonne à des activités mettant en péril la sécurité du pays, je suis politiquement responsable. Il y a donc beaucoup de facteurs qu'il faut garder à l'esprit. Je tiens toutefois aussi à déclarer que jamais l'immigration n'a empêché le regroupement familial lorsqu'il s'agissait de faire venir un enfant. Même quand le délai pour la procédure simplifiée était déjà dépassé. Mais ces exceptions ne peuvent concerner que les enfants."

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