34ème session du Conseil des droits de l’homme - Segment de haut niveau

Déclaration de Jean Asselborn

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Discours - Jean Asselborn, ministre des Affaires étrangères et européennes

Monsieur le Président,
Monsieur le Haut-Commissaire,

Excellences,

Mesdames et Messieurs, 

Le Luxembourg s’associe à la déclaration qui sera prononcée au nom de l’Union européenne.

La force des droits de l’homme réside dans leur caractère universel, indivisible et inaliénable. Malheureusement nous devons constater que, de plus en plus souvent, non seulement ces droits ne sont pas respectés, mais que même leur fondement institutionnel est menacé.

Lors de sa récente visite à Luxembourg – comme à l’occasion de ses nombreuses interventions courageuses dans d’autres fora – le Haut Commissaire aux droits de l’homme a mis en garde avec une insistance tout appropriée devant les attaques de plus en plus fréquentes de forces populistes et autoritaires contre les valeurs et les règles qui gouvernent la vie des collectivités nationales, de même que la vie internationale.

A celles et ceux qui aujourd’hui se prévalent du principe de la souveraineté nationale pour refuser à leurs populations, à leurs minorités, à leurs ONG ou à leurs journalistes le bénéfice de leurs droits de l’homme, je réponds: Désolé, mais vous vous trompez de norme juridique !

Car l’exercice et la défense des droits de l’homme ne sont pas l’apanage d’un régime politique, ce ne sont pas de simples compléments sympathiques – des nice to have – liés à un territoire, voire à une nationalité. Chaque homme, chaque femme et chaque enfant jouit de ces droits fondamentaux non pas en raison de sa nationalité ou de sa résidence. Ils sont les détenteurs légitimes de ces droits en raison de leur statut d’être humain, et nul ne peut les en dépouiller. Les droits de l’homme ne se pratiquent pas à la carte ; ils ne sont pas optionnels !

Malheureusement, nous savons que ce message n’est pas entendu partout de la même manière, comme l’illustre si clairement, entre autres, le rapport annuel récemment publié par Amnesty International. Le travail des acteurs des organisations de la société civile est essentiel pour dire où le bât blesse, où les droits de l’homme sont piétinés et violés.

Dans le monde interconnecté d’aujourd’hui, il ne faut pas s’étonner que la moindre faille dans le respect des droits de l’homme soit épinglée et dénoncée quasi instantanément et à l’échelle globale. A cet égard, le travail des défenseurs des droits de l’homme sous tous les horizons mérite notre appui permanent, surtout là où leurs efforts méritoires rencontrent dédain et répression.

Ceci dit, la dénonciation d’une exaction contre les droits de l’homme, pour utile et nécessaire qu’elle soit, ne mène au but que pour autant que le responsable soit clairement identifié, inculpé et jugé en bonne forme et finalement puni aux termes de la loi. En effet, un droit – aussi fondamental qu’il soit – reste lettre morte dans une culture d’impunité. L’organisation adéquate de nos appareils juridictionnels nationaux ainsi que des juridictions internationales, y compris bien évidemment la Cour pénale internationale, est essentielle. Au nom de l’importance de leurs attributions, ces juridictions méritent notre respect et notre soutien.

Monsieur le Président,

C’est dorénavant la sixième année que le Conseil aborde la situation en République arabe syrienne. J’exprime notre plein appui à la Commission d’enquête et au travail qu’elle fait dans des conditions difficiles, dans un contexte où des groupes terroristes et acteurs étatiques continuent de commettre des abus et violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire à une échelle accablante. Le Luxembourg appuie le Mécanisme international chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international dans le conflit en Syrie; nous appelons les autres Etats à appuyer ce mécanisme selon leurs moyens.

J’aimerais aussi réaffirmer notre attachement à la norme de la responsabilité de protéger: tout Etat a l’obligation de protéger ses citoyens et toute autre personne sur son territoire d’atrocités criminelles en temps de guerre comme en temps de paix.

Il y a un an, le Myanmar était présenté comme un espoir d’une transition démocratique réussie. Or, la Rapporteure spéciale pour le Myanmar vient de témoigner d’atrocités commises par les forces armées contre les minorités ethniques, y compris les Rohingya dans l’État d’Arakan et l’État Kachin.

La situation au Soudan du Sud s’est aggravée depuis l’année dernière, avec la continuation de violations graves des droits de l’homme, y inclus en matière de violences sexuelles. A la crise politique s’ajoute la crise humanitaire, avec notamment la déclaration de famine de la semaine dernière.

Au Burundi, nous sommes également face à une crise des droits de l’homme profondément politique: au lieu de se cacher derrière des accusations infondées contre le système onusien, le gouvernement devrait garantir accès et protection aux mécanismes de ce Conseil.

Mon pays est à la recherche d’une meilleure coopération avec la République islamique d’Iran. Or, les droits de l’homme doivent être notre préoccupation partagée, notamment l’abolition de la peine de mort et les droits des minorités religieuses, comme les Baha’i.

La République populaire démocratique de Corée s’enferme dans une dynamique dangereuse, qui risque d’exacerber encore une des situations des droits de l’homme les plus alarmantes au monde.

En Palestine, nous ne pouvons constater que l’intenable statu quo: la colonisation, les démolitions en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, et le blocus de Gaza rendent la vie des Palestiniens de plus en plus difficile. Le vide politique fait craindre un retour de la violence armée. Cette année est hautement symbolique pour la question israélo-palestinienne, car elle marquera le 50ème anniversaire de l’occupation. A nos yeux, le principe de deux Etats, Israël et Palestine, confirmé par la résolution 2334 du CSNU du 23 décembre 2016, en est la seule voie à suivre.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Parmi les nombreux sujets thématiques traités par ce Conseil, permettez-moi de saluer particulièrement la mise en place du mandat pour le rapporteur spécial sur la protection contre les discriminations pour l’orientation sexuelle et l’identité de genre, en la personne de Vitit Muntarbhorn.

Le 19 septembre dernier, la communauté internationale s’est engagée pour mettre en place un Pacte mondial pour les réfugiés et un Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. Le Conseil des droits de l’homme est appelé à accompagner ces travaux, notamment avec l’organisation d’une session sur les droits de l’homme de tous les migrants en mai de cette année. Il est notre obligation à nous tous de protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales de toutes les personnes, quel que soit leur statut migratoire.

Ceci est d’autant plus important parce que les attaques verbales et physiques contre les réfugiés et d’autres personnes et groupes extrêmement vulnérables continuent. Pire, avec la montée en puissance de mouvements nationalistes d’inspiration autoritaire autour du monde, le phénomène risque de gagner en ampleur et en violence.

Monsieur le Président,

Nous avons un ordre mondial fondé sur le droit et les normes; si nos institutions internationales ne sont pas parfaites, elles sont perfectibles et contribuent à "créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international." Elles cherchent à "favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande." Ces mots du préambule de la Charte des Nations Unies restent tout aussi vrais que lors de leur rédaction en 1945.

Nous avons l’Agenda 2030, avec sa promesse de ne laisser personne pour compte, par une approche basée sur les droits de l’homme, qui rappelle ainsi à juste titre l’interdépendance entre sécurité, développement et ces mêmes droits.

Nous avons, enfin, un système international de protection des droits de l’homme, autour de ce Conseil,  qu’il s’agit de préserver, de protéger et de consolider. Candidat pour la période 2022 à 2024, le Luxembourg contribuera à ce travail avec détermination.

Je vous remercie de votre attention."

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