Discours prononcé par Jean Asselborn à l'occasion du 2e Forum régional de l’Union pour la Méditerranée

"Je voudrais apporter le soutien du Luxembourg à la nouvelle feuille de route ambitieuse et exhaustive. Il s’agit d’une affirmation du rôle de l’UpM dans le paysage euro-méditerranéen"

"Chers Collègues,

Monsieur le Secrétaire général de l’UpM,

Mesdames, Messieurs,

Je voudrais commencer en revenant aux sources de l’UpM. Elle a été  créée en 2008 pour redonner un élan au Processus de Barcelone et renforcer la coopération régionale.  L’ambition était notamment de  rendre ces relations plus concrètes et plus visibles grâce des projets régionaux et sous-régionaux supplémentaires, utiles pour les citoyens de la région.

L’UpM, sous l’impulsion de son infatigable Secrétaire général, Fatallah Sijlmassi, et des co-présidences, de l’UE et de la Jordanie, et en coordination avec l’ensemble des partenaires de la région, a contribué au développement de la coopération régionale en Méditerranée à travers les conférences ministérielles répondant aux enjeux majeurs qui se posent pour la région. L’UpM a pu accélérer la mise en œuvre de nouveaux projets régionaux clés sur le plan socio-économique.

Ces projets, d’un volume de plus de 5,5 milliards d’euros, se concentrent sur la croissance inclusive, l’employabilité des jeunes, le renforcement de l’autonomisation des femmes, la promotion de la mobilité des étudiants, ou encore le développement urbain intégré ou le développement durable. L’acquis de l’UpM, avec des moyens limités, est certes impressionnant, mais est-ce suffisant pour une région qui doit faire face à des défis importants sur les plans sécuritaires et socio-économiques ?

Défis importants

Les conflits, la migration et l’immigration clandestine, le terrorisme, les extrémismes mais également la faiblesse de la croissance, l’emploi des jeunes, et le changement climatique sont autant de défis partagés par l’ensemble des pays de la région et qui nécessitent des réponses urgentes, collectives et régionales.

Pour cela, le partenariat euro-méditerranéen doit être renforcé afin de pouvoir traiter collectivement, efficacement et durablement les nombreux défis qui se posent en Méditerranée.

Je voudrais saluer ici le rôle actif de l’UpM, la seule enceinte de coopération régionale qui rassemble l’ensemble des pays méditerranéens, en tant que plateforme de dialogue et de partenariat.

L’UpM représente en effet un des meilleurs outils pour traiter les causes profondes des défis socio-économiques et sécuritaires en Méditerranée. Elle a été jugée 'précieuse' par le Conseil affaires étrangères de l’Union européenne de décembre 2015.

Le Secrétariat de l’UpM continue de promouvoir des projets concrets comportant des retombées positives pour les populations, la croissance et le développement socio-économique des pays membres. Le Secrétaire général vient d’évoquer plusieurs de ces projets concrets.

Je voudrais apporter le soutien du Luxembourg à la nouvelle feuille de route ambitieuse et exhaustive. Il s’agit d’une affirmation du rôle de l’UpM dans le paysage euro-méditerranéen.

Pour l’UpM, ce sont les débuts de l’Union Européenne qui sont l’exemple à suivre. Je pense que c’est utile de rappeler ici une citation de la célèbre déclaration de Robert Schuman, l’un des pères de l’Europe, qu’il a prononcé le 9 mai 1950:

'L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble: elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait.'

L’approche pragmatique et graduelle préconisé par Robert Schuman pour l’intégration européenne était une approche bottom-up, et en même temps éminemment politique.

Ce sera avec la réalisation de projets concrets que l’UpM contribuera à la résolution de défis politiques et à la réduction de tensions régionales.

A mon avis, la grande priorité de l’UpM devrait continuer à être la création d’emploi, ce qui contribuera plus largement à la stabilité régionale et à la lutte contre l’extrémisme et la radicalisation.

Il y a un large consensus que nous devons intensifier notre engagement à lutter contre le chômage des jeunes et construire un partenariat Nord-Sud autour de cet objectif commun. Nous partageons le même souci de stabilité et de sécurité, et de développement économique et social. En moyenne, 60% de la population du Sud ont moins de 30 ans. Cette jeunesse a besoin d’opportunités pour réaliser ses rêves et ambitions.

Comme le disait Kofi Annan, il n'y a pas de sécurité sans développement, il n'y a pas de développement sans sécurité et il n’y a pas de  sécurité, ni de développement si les droits de l'homme ne sont pas respectés.

Mais vu les défis énormes, il me semble nécessaire de renforcer l’UpM et son Secrétariat et de lui fournir les ressources financières adéquates. C’est pour cette raison que le Luxembourg contribuera cette année pour la première fois directement au budget de l’UpM.

Mesdames, Messieurs,

L'UpM souffre d'un malentendu. Fondée pour tenter de dépasser les clivages géopolitiques autour de projets concrets, elle a très vite été rattrapée par les conflits dans la région. Au-delà des projets d'infrastructures coûteux, il faut insister sur le rôle croissant dans le développement humain, notamment en faveur de l'autonomisation des femmes.

Dans ces conditions, l'UpM devrait être davantage impliquée, à travers des projets concrets, dans des questions transversales qui préoccupent les deux rives, comme la lutte contre la radicalisation, la prévention du terrorisme et la régulation des migrations.

Sans avoir l’ambition d’être exhaustif, permettez-moi de rapidement relever certains défis politiques majeurs dans la région.

L'appareil étatique libyen est toujours en péril et le manque de pouvoirs publics opérationnels, la violence et l'absence de contrôles des flux migratoires vers et en provenance de ce pays ont créé autant de conditions propices à l'émergence de réseaux criminels spécialisés dans les migrations clandestines et la traite d'êtres humains à destination de l'Europe.

En ce qui concerne la Syrie, nous espérons que la réunion d’Astana facilitera la reprise des pourparlers sous l’égide de l’ONU à Genève. Il faut donner une chance à cette conférence.

Il faut répéter aux acteurs de ce conflit qui n’a fait que trop durer : il n’y a pas de solution militaire. Seul un processus politique mené par les Syriens conduisant à une transition pacifique, inclusive et fondée sur les principes du communiqué de Genève du 30 juin 2012, permettra de retrouver la stabilité en Syrie. Ce processus devrait favoriser la paix et la réconciliation et créera l’environnement nécessaire à la lutte anti-terroriste, tout en maintenant la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale de la Syrie.

La question de la responsabilité ('accountability') pour des crimes commis en Syrie est essentielle pour nous.

Je me dois d’évoquer une autre tragédie qui est au cœur des bouleversements au Moyen-Orient : le conflit israélo-palestinien.

Cette année est hautement symbolique pour la question palestinienne, car elle marquera le 50 ième anniversaire de l’occupation, le 25 ième anniversaire de la conférence de Madrid et 10 ans de séparation politique entre la Cisjordanie et Gaza qui reste sous blocus. Même si le Moyen-Orient est en train de vivre plusieurs crises graves, le conflit israélo-palestinien n’a en rien perdu de sa centralité politique, stratégique et émotionnelle. Hélas, la situation sur le terrain continue à s’aggraver.

Depuis Oslo, le nombre de colons israéliens a plus que doublé. Cette façon d’agir suscite en effet des doutes sur la volonté d’Israël de parvenir à une solution à deux États.

Les conditions pour un nouvel horizon politique doivent être recréées, dans un cadre international pour redémarrer les pourparlers de paix. Pour cette raison, nous avons soutenu l’initiative française visant à faire redémarrer un processus de paix digne de ce nom.

L’initiative de Paris, tout comme la résolution du Conseil de Sécurité du 23 décembre 2016 ne sont pas dirigées contre Israël, mais contre le statu quo qui est intenable, aussi pour assurer la paix pour Israël.

La solution à deux Etats est la seule voie pour arriver à une paix durable, avec Israël et la Palestine vivant côte à côte dans la paix et la sécurité. Les Israéliens ont le droit de vivre en paix et en sécurité, tout comme les Palestiniens doivent pouvoir vivre en dignité et déterminer librement leur avenir. L’idée qu’il existerait une alternative à cette solution est peut-être l’illusion la plus dangereuse, mais elle devient de plus en plus populaire. Il n’y a pas d’alternative à la solution des deux Etats, comme l’a encore une fois rappelé la déclaration commune de la réunion de Paris le 15 janvier.

Je vous remercie."

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