Discours de Jean Asselborn à la conférence de Genève sur la prévention de l’extrémisme violent

"La radicalisation violente est à concevoir comme un basculement multiforme et une conversion dans tous les sens du terme"

"Monsieur le Secrétaire général,

Monsieur le Ministre,

Mesdames et Messieurs,

Au cours des derniers mois, les attaques terroristes au Moyen Orient, en Afrique et en Europe ont illustré de manière sinistre que le djihadisme international en tant que doctrine et mode d’action est une réalité indéniable, qui continue à séduire des milliers de personnesà travers le monde. La menace émanant du djihadisme est très diffuse, car nous ne sommes plus confrontés à une organisation terroriste structurée, fonctionnant de manière pyramidale, mais à un système de pensée et d'action glorifiant la violence. La multiplication de foyers de tensions régionaux (dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nordavec la Syrie, l’Irak et la Libye, au Sahel et en Afrique de l’Ouest, en Afghanistan/Pakistan, auYémen), la renaissance par Daech du projet déstabilisateur qui est celui du "califatpanislamique", assorti d’une théologie apocalyptique et réductrice; enfin, la globalisation des phénomènes de propagande, de radicalisation et de recrutement terroriste; tous cesfacteurs continuent à alimenter des dynamiques socio- et géopolitiques hautement complexes. Les modèles de radicalisation violente varient d’un pays à l’autre, d’une communauté à une autre, d’un individu à l’autre.Cependant, aucun Etat n’est à l’abri des fléaux que constituent l’extrémisme et la radicalisation violente. Comme le souligne pertinemment le Plan d’action du Secrétaire général, l’extrémisme violent est souvent le fruit d’une interaction de facteurs structurels ou organisationnels et de facteurs individuels ou personnels. La radicalisation violente est à concevoir comme un basculement multiforme et une conversion dans tous les sens du terme. Le secret d'une anticipation et de prévention efficaces réside dans un travail multidisciplinaire de tous les instants, dans une coopération entre des représentants des pouvoir publics et des acteurs non-gouvernementaux et la mise en oeuvre d’une panoplie demesures. Depuis des années, la lutte contre l’extrémisme violent représente une prioritépour l’UE, qui a lancé de nombreux projets dans ce domaine.

Monsieur le Secrétaire général,

La communauté internationale s’est dotée d’un Programme ambitieux pour le développement durable à l’horizon 2030, dont l’objectif 16 vise l’avènement de sociétés pacifiques, justes, et ouvertes à tous: là doit être notre première priorité. En oeuvrant à créer des sociétés où tous les droits de l’homme de toutes les personnes sont respectés et protégés, où les discriminations en tous genres sont éliminées et les inégalités socio-économiques sont combattues, nous créerons en même temps les conditions nécessaires pour une plus grande sécurité pour tous. La prévention de l’extrémisme violent doit faire partie d’une approche de gouvernance démocratique et respectueuse des droits de l’homme, une approche de pluralisme, qui respecte la diversité humaine, une approche d’état de droit, qui protège le droit international et le droit international humanitaire, une approche de consolidation de la paix, à la fois sociale et internationale. Travailler en faveur d’un monde où personne ne sera laissé pour compte implique des efforts substantiels et convergents de toutes les parties concernées, non seulement les acteurs étatiques, mais également la société civile.

Au courant de l’année 2015, le Luxembourg a mis en place une série de mesures concernant la lutte contre le terrorisme et la prévention de la radicalisation violente. Dans un souci de répondre aux obligations résultant de la Résolution 2178 (2014), le Luxembourg a procédé à des modifications du code pénal et du code d’instruction criminelle, concernant notamment les actes de provocation et de recrutement au terrorisme ou encore les déplacements dans les zones de conflits.

Partageant le constat du Plan d’action qu’une approche plus holistique, prenant en compte à la fois des mesures axées sur la sécurité que des mesures de prévention systématiques, est indispensable pour lutter efficacement contre l’extrémisme violent, le Luxembourg a mis en place un réseau de sensibilisation au phénomène de la radicalisation violente, visant principalement trois domaines:

  • les milieux éducatifs,
  • le milieu pénitentiaire et
  • le domaine de l’immigration

En ce qui concerne les milieux éducatifs, le Ministère de l’Education Nationale a mis en place une campagne visant à sensibiliser le corps enseignant au phénomène de la radicalisation violente et à le pourvoir de certains outils pour gérer sa matérialisation dans le cadre scolaire. L’objectif poursuivi par cette campagne est également d’informer et sensibiliser les jeunes au phénomène de la radicalisation et d’encourager leur réflexion critique. La mise en place de programmes scolaires spécifiques vise à encourager la citoyenneté mondiale et les échanges et la compréhension interculturels.

Dans le milieu pénitentiaire, les acteurs compétents au Luxembourg ont également mise sur pied une campagne de sensibilisation. Cette campagne vise à prévenir la propagation d’idéologies extrémistes entre détenus et à sensibiliser le personnel pénitencier.

Le troisième domaine ciblé est celui de l’immigration. En effet, au moment où l’Europe a dû faire face à une vague d’immigration très importante, les attentats du 13 novembre 2015 à Paris ont témoigné de la volonté de Daech d’infiltrer et d’instrumentaliser les flux de réfugiés venant de Syrie et d’Irak. En raison de ces développements, le Luxembourg a lancé des campagnes de sensibilisation aux phénomènes de l’extrémisme et de la radicalisation violente destinées aux acteurs nationaux responsables de l’immigration.

Mis à part ces campagnes de sensibilisation, les autorités luxembourgeoises ont également établi un dialogue avec les représentants de la communauté musulmane afin d’aborder ensemble les défis posées par la radicalisation violente.

Finalement, l’initiative la plus récente au niveau national est la création future d’un "numéro vert" offrant conseil et soutien aux personnes souhaitant sortir de leur embrigadement ainsi qu’à leur entourage.

Au niveau international, le Luxembourg soutient un projet de la United Nations University avec le Département des opérations de maintien de la paix et l’UNICEF, visant à mieux outiller les personnels de l’ONU sur le terrain en matière de prévention de la radicalisation des enfants et de leur désengagement de l’emprise de l’extrémisme violent, par exemple en Somalie ou au Mali.

Monsieur le Secrétaire général,

Le Luxembourg est conscient que la lutte contre l’extrémisme et la radicalisation violente est un engagement à moyen et à long terme. La prévention constitue un élément majeur de cette lutte et votre Plan d’Action représente une base commune importante. Cependant, beaucoup de chemin reste encore à parcourir. La nature évolutive de la menace nous force à approfondir constamment nos connaissances, à adapter sans cesse nos mesures, à anticiper et explorer des pistes nouvelles, à persévérer et consolider davantage nos efforts au niveau international et national.

Je vous remercie."

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