Discours de Jean Asselborn à l'occasion du lancement de la Présidence luxembourgeoise de l'Union Benelux

"L’accomplissement d’un véritable marché unique du Benelux reste une priorité "

"Monsieur le Secrétaire général du Benelux, Messieurs les Secrétaires généraux adjoints,

Madame la Présidente du Parlement Benelux, Mesdames et Messieurs les députés,

Excellences, Mesdames et Messieurs les représentants du corps diplomatique,

Mesdames, Messieurs,

Je me réjouis tout particulièrement de vous accueillir aujourd’hui ici à l’occasion du lancement de la Présidence luxembourgeoise du Comité de ministres du Benelux. Après une Présidence de l’Union européenne qui a eu lieu dans un contexte particulièrement difficile, le Luxembourg a pris en janvier pour la 2ième fois depuis l’entrée en vigueur du nouveau traité Benelux en 2012 les rênes du Comité de Ministres de l’Union Benelux.

Tout comme lors de sa récente Présidence du Conseil de l’Union européenne, le Grand-Duché s’efforcera de mettre ses valeurs fondamentales – fiabilité, dynamisme et ouverture – au service du Benelux. Il s’agit d’être à l’écoute des citoyens, de soutenir les entreprises et de coopérer avec les différents partenaires afin d’agir dans l’intérêt général des trois pays du Benelux.

Nous reprenons la Présidence du Benelux de la Belgique, alors que nous avons transmis le flambeau de la Présidence semestrielle du Conseil de l’Union européenne aux Pays-Bas. Je profite ici pour remercier vivement la Belgique pour son travail précieux à la tête du Benelux tout au long de 2015. J’aimerais également saisir cette occasion pour renouveler mes meilleurs vœux de succès à la Présidence néerlandaise de l’UE.

Même si les deux Présidences – celle de l’UE et celle du Benelux- sont de nature tout à fait différente, il peut parfois s’avérer intéressant de les mettre en perspective. Dans la préparation de notre Présidence du Benelux, nous avons ainsi pu nous rendre une nouvelle fois compte de la vraie valeur ajoutée que représente une coopération régionale comme celle du Benelux. Au sein de l’Union européenne, que cela plaise ou pas, le principe de la subsidiarité a été élevé comme une vraie maxime politique. Ce principe, qui veut que la responsabilité d'une action publique, lorsqu'elle est nécessaire, doit être allouée à la plus petite entité capable de résoudre le problème, offre en même temps de nouvelles opportunités aux coopérations régionales. Loin de perdre sa raison d’être - comme certains observateurs ne cessent de prévoir- le Benelux constitue, à côté de notre coopération transfrontalière dans le cadre de la Grande Région, le premier cercle concentrique de notre action extérieure. Partout la coopération régionale est reconnue comme un moyen pour mieux défendre ses intérêts sur le plan international que ce soit au sein d’une UE élargie ou au-delà. Le Benelux découle des liens historiques étroits qui unissent la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg et qui nous ont conduits à faire des choix identiques, bien au-delà de la coopération économique. Ce n’est pas un hasard que nos trois pays se sont vus arrogés le même nombre de votes au sein de l’Union européenne que les quatre plus grands pays, à savoir 29 voix. C’est en même temps un encouragement permanent aux trois pays du Benelux à se concerter et à agir de manière coordonnée au niveau de l’Union européenne afin de conférer un maximum de poids à nos positions.

Nous entendons profiter de cet état d’esprit entre les trois pays pour poursuivre et développer davantage la concertation Benelux au sein de l’Union européenne.

Notre Présidence de l’Union européenne nous a permis de faire avancer toute une série de dossiers-clés, dont quelques-uns étaient bloqués depuis des années. En revanche, cet exercice nous a également appris, dans certains domaines, à mieux comprendre certaines raisons de blocage, les positions divergentes des États membres et surtout les marges dont ils disposent. Nous en ressortons donc avec une vision très réaliste de ce qui est faisable au niveau européen et de ce qui ne l’est pas, du moins pas dans l’immédiat. C’est cette expérience que nous souhaitons mettre maintenant au bénéfice du Benelux. En tant que "laboratoire pour l’Europe", l’Union Benelux vise en effet à soutenir l’intégration européenne, à travers des projets concrets et une collaboration transfrontalière exemplaire.

Nous comptons ainsi:

  • Faire avancer à trois des dossiers dans lesquels des progrès au niveau européen sont impossibles dans l’immédiat. 
  • Initier un processus de réflexion sur la future direction de la coopération Benelux, notamment dans le cadre de l’élaboration du futur programme pluriannuel.
  • Réaffirmer l’engagement fort de nos trois pays, en tant que membres fondateurs de l’UE, pour une Union forte et dynamique.

Oui, une telle réaffirmation est nécessaire de nos jours. C’était aussi le sentiment général à la réunion des pays-fondateurs de l’Union européenne qui a eu lieu le 9 février 2016 à Rome. Un peu plus d'une année avant la commémoration du 60ème anniversaire du Traité de Rome, le 25 mars 2017, les ministres des Affaires étrangères des six pays fondateurs se sont déclarés préoccupés par l'état actuel du projet européen.

Face aux tentations de repliement sur le champ national, nous avons réaffirmé à Rome que l'Union européenne reste la meilleure réponse aux défis d'aujourd'hui et nous nous sommes dits résolus à poursuivre le processus créant une Union sans cesse plus étroite entre les peuples d'Europe.

Excellences, Mesdames, Messieurs,

La coopération entre les trois pays du Benelux se compose essentiellement de deux volets, celui de la coopération politique entre les trois gouvernements et celui de la coopération dans le cadre du Traité Benelux. Cette dernière coopération, pilotée par le Secrétariat général, est de nature pratique entre les différentes administrations, à tous les niveaux. Il s’agit d’une coopération vivante et nécessaire, même si elle se déroule souvent de manière plus discrète.

Il est à présent  de coutume que la Présidence du Comité de ministres se donne des priorités dans le cadre de la mise en œuvre du plan de travail élaboré ensemble avec nos partenaires néerlandais et belges, et avec le soutien essentiel du Secrétariat général. Ce plan de travail 2016 que M. le Secrétaire général van Laarhoven vient de présenter détaille les actions concrètes que nos trois pays souhaitent entreprendre dans les mois à venir. C’est le résultat d’une large consultation menée au sein des ministères et administrations des trois pays. Je voudrais profiter de l’occasion pour remercier M. le Secrétaire Général M. van Laarhoven, sans oublier ses deux adjoints, M. Willems et notre compatriote M. de Muyser et toute l’équipe, de leur travail indispensable sur ce dossier.

Le Luxembourg souhaite se montrer ambitieux lors de sa Présidence du Benelux et compte donner de nouvelles impulsions à la coopération Benelux en mettant un accent particulier:

  • sur la mobilité et la sécurité des personnes,
  • sur la promotion de la protection de l’environnement et
  • sur l’approfondissement du marché intérieur du Benelux.

Eu égard aux menaces et défis actuels, la mobilité et la sécurité des personnes sont des thèmes qui demandent des réponses communes. Dans l’ensemble du Benelux, il est primordial d’éliminer différents types d’entraves qui empêchent ou compliquent la mobilité des personnes, tout en veillant à leur garantir le plus haut niveau possible de sécurité.

Nous souhaitons que le Benelux se concentre sur les opportunités à saisir dans le domaine de la mobilité de l’emploi et de l’enseignement, de la transférabilité des diplômes ainsi que des qualifications professionnelles et des stages. Par ailleurs, une amélioration des soins de santé transfrontaliers et de la circulation des patients est primordiale. Nous souhaitons faire bénéficier le Benelux des meilleures pratiques que nous avons pu identifier dans certains de ces domaines dans le cadre de notre coopération transfrontière en Grande Région.

La sécurité est une priorité de l'agenda politique du Benelux et un thème majeur du plan annuel Benelux 2016. Ainsi, la Présidence luxembourgeoise engagera les travaux en vue de l’élaboration du 4e plan d’action Senningen pour la période 2017-2020 en matière de coopération opérationnelle entre les services de police et en matière de gestion des crises et de lutte contre les catastrophes. De même, les trois pays souhaitent intensifier leur coopération afin de prévenir et de lutter contre le radicalisme violent et le terrorisme.  

Dans le cadre de la crise migratoire, nous souhaitons intensifier la coopération entre nos trois pays en matière d'asile de migration. Au niveau de la coopération politique entre les 3 gouvernements, nous examineront des possibilités de coopération en ce qui concerne la mise en œuvre de l’agenda européen en matière de migration proposé par la Commission européenne. La possibilité de parrainages communs entre pays du Benelux de centres d’enregistrements ("Hotspots") sera analysée. Si la coopération en matière de visas entre les trois pays peut être qualifiée de succès, celle en matière de retours de demandeurs d’asile déboutés pourra être renforcée.

La Présidence luxembourgeoise entend aborder de manière renforcée les questions liées au changement climatique, à la protection de l’environnement au sein du Benelux, ainsi qu’à l’efficacité énergétique et sur un projet pilote visant une meilleure coordination de nos législations environnementales dans les régions frontalières. Nous explorerons les pistes en vue d’une mise en œuvre sinon commune, au moins concertée, des engagements pris à la Conférence COP 21 à Paris. En effet, les trois pays ont en commun le souhait d’avancer rapidement dans la mise en œuvre de nos engagements de Paris.

Le Luxembourg œuvrera résolument en faveur de la transition vers l’économie circulaire au sein du Benelux; y compris l’écoconception et la gestion transfrontalière des déchets.

L’accomplissement d’un véritable marché unique du Benelux reste une priorité absolue. Nous souhaitons éliminer des barrières restantes pour les entreprises et les consommateurs sur le marché intérieur du commerce de détail. À cette fin, une coopération sera lancée pour identifier les entraves et barrières existantes et y remédier.

Sous Présidence luxembourgeoise, les possibilités d’une extension de l’utilisation et de l’application du principe de la reconnaissance mutuelle seront étudiées afin de stimuler les activités transfrontalières et de réduire les charges administratives et réglementaires pour les entreprises du Benelux.

Le Benelux se doit donc d’être un modèle dans la mise en œuvre du paquet "marché unique numérique pour l’Europe" et promouvra activement la recherche de solutions concernant le marché des télécommunications et les paiements mobiles, voire le "geo-blocking", dans l’optique de renforcer les droits des consommateurs au-delà des frontières.

Dans le domaine de l’énergie et notamment d’énergies renouvelables, nous œuvrerons résolument en faveur de la transition énergétique et des opportunités qui en découlent en matière de sécurité d’approvisionnement, d’interconnexion, de compétitivité et d’intégration des marchés aux niveaux régional et européen. Les systèmes énergétiques en Belgique, aux Pays-Bas et au Luxembourg se sont nettement rapprochés au cours des années, avec des avantages visibles dans le domaine de l’approvisionnement énergétique et du fonctionnement du marché. Grâce à la coopération dans le cadre du Forum pentalatéral, qui est exemplaire en Europe et auquel participent également l’Allemagne, la France, l’Autriche et la Suisse, l’intégration et le couplage des marchés de l’électricité dans la région sur base des flux de l’électricité ont pu être finalisés en 2015 et une nouvelle méthodologie commune de mise en adéquation de l’offre et de la demande d’électricité dans la région a pu être établie. Nous comptons organiser en juin prochain une nouvelle réunion du Forum pour faire le point des éléments à livrer.

Concernant le secteur des transports, il s’agira en particulier de tirer les leçons des résultats de l’étude sur les flux de transport intra-Benelux. Des initiatives seront nécessaires au niveau des chemins de fer, de l’aéronautique et du secteur maritime; ainsi notamment l’élaboration d’un agenda ferroviaire Benelux pour le transport transfrontalier régional. Ceux qui sont venus en train de Bruxelles comprennent l’urgence de projet…

Excellences,

Mesdames, Messieurs,

La Présidence luxembourgeoise entend poursuivre la coopération des pays du Benelux dans le domaine de la politique étrangère. Nous avons, à plusieurs reprises, pu influencer le cours des débats au sein de l’Union européenne. Nous avons ainsi pu adopter dans le passé une ligne Benelux commune sur certains dossiers internationaux, et je m’attellerai à poursuivre la même convergence pour ce qui est des autres dossiers d’actualité du moment. Ceci vaut aussi bien pour le voisinage Sud de l'Union européenne que pour le voisinage Est, comme en témoigne notre voyage commun en novembre dernier en Ukraine.

Cette concertation stratégique prend une importance croissante dans une Union de 28 États membres pour préparer les décisions et défendre ses intérêts et convictions. Nous examinerons la possibilité d’alimenter les débats au sein du Conseil de l’Union européenne par des prises de positions conjointes du Benelux. À cette fin, des réunions des Directeurs politiques et des Directeurs des Affaires européennes des trois ministères des Affaires étrangères seront organisées et la concertation sera étendue à d’autres niveaux.

La Présidence luxembourgeoise organisera également en automne un Sommet Benelux, qui traitera non seulement de la coopération dans le cadre du Traité Benelux, mais fournira également l’occasion à nos trois Premiers ministres de faire le point sur des sujets de l’actualité européenne et internationale.

J’entends également intensifier la concertation informelle avec mes homologues en amont des Conseils des Affaires étrangères et des Affaires générales de l’UE. Cette concertation ministérielle mérite également d’être étendue à d’autres formations du Conseil de l’Union européenne.

Nous poursuivrons également nos échanges avec d’autres groupes de pays comme les pays baltes ou les pays du Višegrad. La Présidence luxembourgeoise organisera notamment une rencontre des ministres des Affaires étrangères et européennes du Benelux avec leurs homologues baltes, ainsi qu’une réunion avec nos homologues du Višegrad. La Présidence luxembourgeoise poursuivra également la tradition de visites de travail conjointes du Benelux dans des pays tiers, que ce soit au niveau ministériel ou celui de hauts fonctionnaires des ministères des Affaires étrangères. Au deuxième semestre, quand mon collègue néerlandais sera sorti de la Présidence du Conseil de l’UE, nous organiserons une visite ministérielle conjointe dans un pays de la région du Moyen-Orient/Afrique du Nord. Nos directeurs politiques ont prévu de se rendre dans un pays du Partenariat oriental.

Notre coopération politique s'étend également à d'autres domaines, comme par exemple celui de la Défense. Ainsi, le Luxembourg accueillera au deuxième semestre la réunion du Benelux Steering Group qui fera l’état des lieux de la coopération Benelux dans le domaine de la défense et donnera des orientations pour le proche avenir. Les préparations en vue du groupement tactique ("Battlegroup") de l’Union européenne, que le Benelux mènera en 2018, se poursuivront également de manière intensive.

Excellences, Mesdames, Messieurs,

La Présidence luxembourgeoise souhaite donner de nouvelles impulsions à la coopération Benelux dans le cadre de l’établissement du nouveau programme pluriannuel 2017-2020. De larges consultations auront ainsi lieu afin de dégager ensemble les grandes lignes de notre future action. Il y aura aussi des consultations publiques dans les prochains mois afin de donner aux parlements et aussi aux acteurs de la société civile l’occasion de s’impliquer dans la définition de futures priorités.

Nous encouragerons une accélération des travaux relatifs au règlement de procédure rénové de la Cour de justice Benelux afin de pouvoir prendre nos dispositions pour accueillir cette juridiction au Luxembourg.

Excellences,

Mesdames, Messieurs,

Je ne souhaite pas conclure avant d’avoir dit un mot sur le Parlement Benelux et je salue chaleureusement la présence de plusieurs représentants du Parlement Benelux ce soir parmi nous. C’est une institution importante au sein de la famille Benelux, qui a vu son rôle confirmé dans le nouveau traité.

J’ai eu plutôt dans la journée une rencontre très fructueuse avec Madame Maya Detiège, la Présidente du Parlement Benelux, lors de laquelle nous avons discuté des priorités pour 2016 et de la coopération entre le Comité de ministres et du Parlement Benelux.

Excellences,

Mesdames, Messieurs

Le Benelux signifie beaucoup plus que l'institution commune des Pays-Bas, le Luxembourg et la Belgique. Le Luxembourg est profondément convaincu du rôle du Benelux en tant que moteur de l’intégration européenne et c’est dans ce sens-là que nous comptons œuvrer au courant de notre Présidence du Comité de ministres du Benelux.

Je vous remercie de votre attention."

 

 

 

 

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