Intervention de Jean Asselborn au débat public du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU)

"Il est(...)indispensable d’investir dans le développement et le bien-être de la jeunesse"

"Monsieur le président,

Je voudrais d’abord remercier la Russie pour avoir organisé ce débat sur un thème qui nous concerne tous. Le soi-disant État islamique, en Syrie et en Iraq, en Libye aussi, Al-Qaida dans la péninsule Arabique au Yémen, le Front el-Nosra sur les hauteurs du Golan, les Chabab en Somalie: la liste est longue. Ces groupes terroristes menacent non seulement le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Ils menacent la planète toute entière. Dans leur folie destructrice, ils s’attaquent aux enfants, aux femmes, aux hommes. Ils s’attaquent aux plus vulnérables, aux minorités, aux sanctuaires, à l’héritage culturel, aux trésors archéologiques, à la liberté d’expression; ils s’efforcent d’abattre les symboles d’humanité et de diversité.

Pour combattre efficacement cette menace terroriste, il importe de comprendre les origines de sa montée en puissance. La menace terroriste n’est pas la cause profonde des crises au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Elle est elle-même le résultat de causes profondes, et il est donc nécessaire de traiter ces causes profondes pour l’éliminer. Sinon, même si Daech ou d’autres entités terroristes devaient disparaître aujourd’hui, d’autres organisations, plus monstrueuses encore, ne feraient que prendre le relais. En effet, les bannières sous lesquelles les terroristes se rallient peuvent changer, mais les causes profondes de l’émergence de ces organisations subsistent.

Quelles sont ces causes profondes?

1. D’abord, la montée en puissance des groupes terroristes ne saurait être séparée de leur contexte politique régional. Ainsi, en Syrie, Daech bénéficie en large partie des effets de la politique brutale du régime d’Assad, un régime qui - depuis plus de quatre ans - réprime et massacre sa propre population, à coups de bombardements aveugles et de largages de barils d’explosifs. En Syrie, nous devons combattre les terroristes sans faire le jeu du régime d’Assad ni oublier les crimes que ce régime commet au quotidien. Nous devons amener une aide humanitaire accrue aux zones libérées de l’emprise de Daech et soutenir la Coalition nationale syrienne. Nous devons aussi appuyer les efforts de l’envoyé spécial Staffan de Mistura en vue d’aboutir à une transition politique.

En Iraq, c’est le sentiment de marginalisation, de dépossession et d’humiliation des populations sunnites qui a fait le jeu des extrémistes. Il nous incombe de soutenir les réformes conduites par le gouvernement du Premier Ministre Abadi en aidant le pays à surmonter les divisions dans le cadre d’un processus politique véritablement inclusif.

En Libye comme au Yémen, les efforts de médiation de l’ONU doivent être appuyés davantage, pour aboutir à un cessez-le-feu et à la formation d’un gouvernement d’union nationale qui puisse, avec l’appui de la communauté internationale, isoler les groupes extrémistes, sécuriser le territoire et s’engager sur la voie de la réconciliation nationale.

2. Parmi les causes profondes qui favorisent la radicalisation et le terrorisme, il y a le sentiment d’exclusion. L’absence de perspectives et d’opportunités économiques pour les jeunes, et notamment les difficultés d’accès à l’emploi qu’ils rencontrent, sont un terreau fertile pour la radicalisation. Il est donc indispensable d’investir dans le développement et le bien-être de la jeunesse. Il faut donner aux jeunes l’opportunité de faire valoir leur potentiel en promouvant leur pleine participation à la vie de la société. C’est dans cet esprit que notre politique de coopération au développement réserve une place importante à l’éducation et à la formation professionnelle des jeunes. Le Luxembourg s’est aussi engagé, avec l’appui d’UNICEF, pour que le programme de développement pour l’après-2015 que nous venons d’adopter tienne pleinement compte des besoins et du potentiel spécifique des enfants et des jeunes en général.

3. Enfin, je me dois d’évoquer une autre cause profonde de l’instabilité au Moyen-Orient. Je veux parler du conflit israélo-palestinien, véritable tragédie humaine, alors que le processus de paix demeure dans l’impasse. Aujourd’hui plus que jamais, il est impératif de convaincre nos amis israéliens que la sécurité d’Israël dépendra de la création à ses côtés d’un État de Palestine souverain et démocratique. Et il faut encourager nos amis palestiniens à persévérer dans la voie de la réconciliation et de la négociation. Cette voie est le meilleur rempart au terrorisme. Engageons-nous tous pour que cette voie mène au résultat escompté, la solution à deux États.

Monsieur le président,

Je conclurai par une évidence: nous ne pouvons changer le passé, mais nous avons le devoir d’en tirer les leçons et d’agir en conséquence à l’avenir. Soyez assuré que le Luxembourg, y compris dans son rôle actuel de Présidence du Conseil de l’Union européenne, n’épargnera aucun effort pour contrer la radicalisation, le terrorisme et l’extrémisme violent en s’attaquant à leurs causes profondes.

Je vous remercie."

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