Discours de Jean Asselborn à l'occasion de la conférence consacrée aux victimes de violences ethniques et religieuses au Moyen-Orient à Paris

"Des millions de vies humaines sont en jeu"

Seul le discours prononcé fait foi

"Messieurs les Co-Présidents,

Je voudrais d’abord remercier la France et le Jordanie pour avoir organisé cette conférence sur un thème qui nous concerne tous, et remercier les intervenants qui ont témoigné des violences que subissent les minorités dans certaines parties du Moyen-Orient. Des millions de vies humaines sont en jeu.

Messieurs les Co-Présidents,

Pour choquante qu’elle soit, la brutalité de Daech en Iraq et en Syrie à l’encontre des minorités ethniques ou religieuses n’est pas surprenante. Par le fait même de leur existence, elles représentent un défi pour l’idéologie totalitaire de Daech qui est déterminé à réduire au silence toute dissidence. Or la pluralité religieuse, ethnique et culturelle, si caractéristique du Moyen-Orient, est un bien commun qui doit être préservé.

Dans sa folie destructrice, Daech s’attaque aux hommes, aux femmes et aux enfants de toutes les minorités, qu’elles soient chrétiennes, yézidies, kurdes ou turkmènes. En effet, les minorités ont quasiment disparu dans les zones contrôlées par Daech. La volonté d’annihiler toute trace de ces communautés conduit Daech à s’attaquer également aux sanctuaires, à l’héritage culturel et aux trésors archéologiques. Il s’agit d’une tentative de destruction systématique de la diversité du tissu social dans les régions concernées en Syrie et en Iraq.

Nous condamnons avec la plus grande fermeté toutes les atrocités commises par Daech et les autres parties au conflit. Dans ce contexte, nous soutenons le plan d’action pour protéger les minorités au Moyen-Orient. La montée en puissance de Daech au Moyen-Orient ne saurait être séparée du contexte politique régional. Daech s’est nourri de la répression brutale du régime d’Assad contre sa propre population en Syrie et des tensions sectaires en Syrie et en Iraq. Contrer Daech passe donc aussi par la recherche d’une solution politique aux multiples crises qui agitent la région et aux difficultés socio-économiques auxquelles font face les populations. C’est d’autant plus urgent que le risque de propagation du fléau de l’extrémisme est réel.

Cette menace accrue d’une radicalisation dans certaines parties de la région rend encore plus pressante une solution au conflit israélo-palestinien. Je voudrais ici souligner la nécessité de relancer les négociations de paix pour parvenir à un accord de paix fondé sur la solution à deux Etats. Je reviens d’ailleurs d’Israël où, hélas, je n'ai pas vraiment pu observer une évolution positive vers une solution négociée. La situation en Syrie ne peut durer. Le conflit doit toucher à sa fin. Les puissances extérieures qui influencent les parties combattantes devraient, au lieu de soutenir financièrement la guerre, oeuvrer pour une solution politique entre les modérés ; la seule façon de résoudre ce conflit. Aussi longtemps que la guerre continue, Daech et d’autres groupes extrémistes ne disparaîtront pas. En l’absence d’une solution politique, nous devons nous montrer particulièrement solidaires avec les voisins de la Syrie, à savoir le Liban, la Jordanie et la Turquie, qui portent un lourd fardeau. Il est nécessaire de traiter les causes profondes, dont l’exclusion et l’injustice subies par la population sunnite en Syrie et en Iraq, qui ont permis l’émergence d’un tel monstre.

Nous devons maintenir la pression sur les parties au conflit. Le Luxembourg plaide de manière inlassable pour un meilleur accès humanitaire aux populations affectées et appelle toutes les parties à respecter le droit international humanitaire. Il faut mettre l’accent sur la dignité de chaque être humain, en garantissant ses droits. Il faut aussi rejeter toute politisation de la religion et encourager les chefs religieux à adopter un discours modéré. En adoptant l’année dernière trois résolutions humanitaires (2139, 2165 et 2191), l’objectif du Conseil de sécurité était d’oeuvrer en vue d’une amélioration significative de la situation humanitaire et des droits de l’homme en Syrie. Ces résolutions sont contraignantes pour toutes les parties et visent à faciliter un accès humanitaire rapide, sûr et sans entrave pour les agences de l'ONU, y compris dans les zones de conflit et au-delà des frontières, afin de s'assurer que l'aide humanitaire parvienne aux civils à travers les routes plus directes. Cependant, nous devons admettre que l'application de ces résolutions reste très insatisfaisante. Les parties au conflit, et en premier lieu les autorités syriennes, doivent assumer leurs responsabilités en termes de protection des civils.

Messieurs les Co-Présidents,

C’est en redressant les torts commis contre les innocents que les victimes pourront être réhabilitées dans leur dignité. C’est pourquoi le Luxembourg continue de plaider pour que le Conseil de sécurité défère la situation qui prévaut en Syrie depuis mars 2011 à la Cour pénale internationale. Et c’est aussi pourquoi nous encourageons l’Irak à accéder au Statut de Rome de la CPI ou du moins à faire une déclaration visant à reconnaître la juridiction de la CPI. Ceux qui, aujourd’hui, mettent en péril l’existence des minorités qui constituent la mosaïque du Moyen-Orient doivent savoir que la justice finira par les rattraper.

Je vous remercie."

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