Discours de Jean Asselborn à l'occasion de la 1ère Conférence des États Parties au Traité sur le Commerce des Armes

"(...) Il importe de maintenir cette dynamique positive et d’oeuvrer en faveur de l’universalisation de ce traité (...)"

"Monsieur le Président,

Permettez-moi tout d’abord d’exprimer ma satisfaction de vous voir présider cette Première Conférence des États parties au Traité sur le Commerce des Armes, et de vous remercier pour l’accueil chaleureux ici à Cancun. Je tiens également à féliciter le Mexique – et en particulier l’ambassadeur Jorge Lomonaco et ses collaborateurs – pour vos efforts inlassables et l’excellent travail de préparation de cette Conférence en tant que Secrétariat provisoire. Je suis certain que, grâce à votre engagement, la Première Conférence des États parties sera un plein succès, réussira à préserver la dynamique positive de ce traité et prendra les décisions importantes qui s’imposent.

Après son adoption par l’Assemblée générale des Nations Unies à New York le 2 avril 2013, le Traité a pu entrer en vigueur le 24 décembre dernier, un peu plus de 18 mois après son ouverture à la signature, une entrée en vigueur extraordinairement rapide! Je tiens à vivement féliciter les 72 États parties ayant ratifié le traité. Mais nos efforts ne doivent pas s’arrêter là.

Tout d’abord, il importe de maintenir cette dynamique positive et d’oeuvrer en faveur de l’universalisation de ce traité afin que le commerce international des armes soit régulé au mieux. Il s’agit de prévenir les souffrances humaines et de rendre le monde plus sûr pour tous. Le Luxembourg espère que les 24 États qui ont voté en faveur du traité à l’Assemblée générale des Nations Unies ainsi que les principaux producteurs et exportateurs d’armes dans le monde qui ne l’ont toujours pas signé, ne vont plus tarder et rejoindre le régime du TCA dans les meilleurs délais.

Monsieur le Président,

Après l’entrée en vigueur du traité, la priorité doit aller à sa pleine mise en oeuvre. Le commerce illicite et non-réglementé des armes conventionnelles alimente les conflits et l’instabilité et touche les communautés les plus pauvres et les plus vulnérables. Le bilan humain est terrible: la violence armée fait chaque année des centaines de milliers de victimes. Nous continuerons à travailler avec tous les partenaires pour assurer l’application intégrale, effective et cohérente du traité au niveau mondial. En effet, tous les États parties n’ont pas la même capacité administrative. Ils partent de situations très différentes en termes économiques, de système de contrôle des exportations d’armes et de cadre légal. Pour cette raison, ensemble avec l’Union européenne, le Luxembourg soutient les États qui nécessitent une assistance pour mettre en place ou renforcer leurs systèmes nationaux de contrôle des exportations des armes. Enfin, il importe que le traité soit mis en oeuvre de manière non-discriminatoire en évitant des interprétations différentes des dispositions, de la portée et de la finalité de celui-ci.

Le traité a vocation à bénéficier à tous les pays de toutes les régions du monde, en réglementant à l’échelle planétaire le commerce des armes et, par-là, en responsabilisant les États exportateurs d’armes conventionnelles. Je suis particulièrement satisfait que nous ayons réussi ensemble à inclure la catégorie des armes légères et de petit calibre (ALPC) ainsi que les munitions dans le champ d’application du traité tout comme des dispositions relatives à la violence basée sur le genre.

Je tiens à féliciter les États parties présents ici aujourd’hui qui relèvent notre responsabilité commune pour renforcer la paix et la sécurité internationales en décidant de mieux contrôler le commerce des armes classiques et de lutter contre les trafics illicites. Le Luxembourg est convaincu que ce traité représente non seulement une avancée importante dans nos efforts communs à oeuvrer pour un monde plus sûr, mais est surtout un élément indispensable qui comble une lacune importante dans le droit international et qui renforce la responsabilité collective dans le commerce international des armes.

Le Luxembourg n’appartient ni à la catégorie des pays qui produisent ou exportent des armes, ni à celle des pays qui sont directement affectés par des conflits et la souffrance provoquée par les armes conventionnelles. Mais la préservation de la paix et de la sécurité, le respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire sont les fondements de notre sécurité collective et une responsabilité qui nous incombe à tous. C’est ce sens d’une responsabilité commune qui devra nous guider dans la mise en oeuvre effective et cohérente de ce traité. En tant que pays de transit, le Luxembourg n’épargnera aucun effort pour assurer une mise en oeuvre stricte des dispositions du TCA. Mon gouvernement a mis sur les rails un nouveau projet de loi ambitieux visant à renforcer à l’échelle nationale l’ensemble du système de contrôle des exportations, des importations et des transits/transbordements tant des armes conventionnelles que des biens à double-usage et de technologies connexes.

Monsieur le Président,

La 1ère Conférence des États parties fait face à beaucoup de défis en ce qui concerne la mise en oeuvre efficace des dispositions du traité afin de garantir un bon fonctionnement des prochaines Conférences des États parties. Permettez-moi de remercier tous les facilitateurs pour leurs efforts inlassables en vue de rapprocher les positions sur les quatre principaux dossiers que sont l’établissement du Secrétariat permanent tout comme l’adoption du règlement intérieur, des règles financières et des formats des rapports.

Sans entrer trop dans les détails, permettez-moi de soulever certains points qui me tiennent particulièrement à coeur. Tout d’abord, il importe de trouver rapidement une solution afin d’établir le Secrétariat permanent. Cette structure de petite taille et à vocation administrative doit pouvoir remplir les principales tâches prévues par le traité sans rechercher de nouvelles compétences supplémentaires. Le Luxembourg souhaite que nous réussissions à trouver une solution acceptable pour tous les États parties en ce qui concerne le lieu d’établissement du Secrétariat, et ce dans un futur proche.

Ensuite, concernant le règlement intérieur, le Luxembourg estime que nous devons protéger ce qui a été par le passé un processus inclusif. Il doit rester aussi ouvert et transparent que possible et la participation doit rester large. La participation aux travaux de la Conférence doit rester, tout au long de la vie du TCA, un reflet de l’origine de ce traité, qui a été le fruit d’une large participation de la société civile et des ONG. Nous devons nous efforcer à éviter une perception que les États parties soient un club exclusif de parties "like-minded" et devons travailler pour créer un environnement favorable à l’universalisation du traité. La participation aux Conférences des Etats parties doit être ouverte aux signataires, aux non-signataires, aux organisations régionales dotées de la personnalité juridique, aux Nations Unies et aux représentants de la société civile et de l’industrie.

Enfin, en ce qui concerne le format des rapports, le Luxembourg accorde une grande importance aux rapports initiaux et annuels qui doivent servir à sortir le commerce des armes de l’ombre. En effet, les rapports représentent le principal mécanisme de suivi de la mise en oeuvre du TCA sur une base continue, ce qui permettra à renforcer la confiance entre les Etats parties. C’est pourquoi nous estimons qu’il est important, dans un esprit de transparence, que les rapports puissent être rendus publics. Cela permettra aux gouvernements de rendre des comptes par rapport aux obligations qui leur incombent en vertu du TCA et d’identifier d’éventuelles lacunes et besoins pour faire en sorte que ceux qui ont besoin d’assistance pour appliquer le TCA puissent recevoir une telle assistance.

Monsieur le Président,

Le traité est le résultat remarquable d’un long processus de coopération entre Etats et société civile. Les Organisations Non-Gouvernementales ont en effet joué un rôle déterminant dans ce processus. Les ONG ont été une force motrice majeure dans le processus visant une meilleure régulation du commerce des armes qui nous a menés aujourd’hui dans cette salle. Depuis de nombreuses années, les ONG ont enrichi les discussions sur le futur traité et leur engagement a été crucial pour sensibiliser les gouvernements et attirer leur attention sur des points que les Etats ont parfois oubliés de prendre en compte. Je me félicite que les ONG soient au rendez-vous de cette conférence. Continuons à les écouter et à intégrer leurs messages dans nos travaux!

Monsieur le Président,

Je conclurai en rappelant que la prévention des conflits est l’un des principaux buts fixés par la Charte des Nations Unies. Et c’est en travaillant ensemble, de bonne foi et dans un esprit de consensus, pour universaliser et mettre en oeuvre le Traité sur le commerce des armes, que nous pourrons contribuer à ce que ce but soit atteint. Nous devons saisir cette occasion historique que représente le Traité sur le commerce des armes. Nous devons, pour les générations futures, faire de ce traité un succès.

Je vous remercie pour votre attention."

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