Discours de Romain Schneider à la Journée de l'Afrique 2015

"La croissance durable de l’Afrique ne se fera qu’avec le développement économique local en Afrique"

Seul le discours prononcé fait foi

"Mesdames et Messieurs,

J’ai le grand honneur de vous adresser la parole à l’occasion de l’ouverture de la Journée de l’Afrique 2015 dans le Quartier européen de la ville de Luxembourg. Je tiens d’abord à remercier le président de la Banque européenne d’investissement, Werner Hoyer, pour avoir organisé cet événement important en associant la présidence luxembourgeoise du Conseil de l’Union européenne.

J’ai aussi le grand plaisir de saluer ici le commissaire européen à l’agriculture et au développement rural, Phil Hogan.

Et je tiens à vous remercier, Mesdames et Messieurs, qui êtes venus si nombreux aujourd’hui. Votre présence témoigne des liens étroits et pleins de potentiel, qui existent entre l’Europe et l’Afrique.

Cette conférence tombe à pic au début de la présidence luxembourgeoise du Conseil de l’Union européenne, qui aura comme focus notamment l’année européenne pour le développement 2015. La Journée de l’Afrique abordera un grand nombre des sujets de cette année charnière, qui sont tous liés au développement durable et oeuvrent pour une croissance inclusive de l’Afrique.

Les discussions qui seront menées aujourd’hui tombent aussi sous le signe de la conférence des Nations Unies sur le financement du développement à Addis Abeba, qui se tiendra la semaine prochaine. Un autre grand rendez-vous important de cette année sera le Sommet spécial de l’ONU sur le développement durable à New York en septembre. Il s’agira de définir les nouveaux objectifs de développement durable qui sonnent le glas d’un changement de paradigme, en formant un programme de développement pour l’après-2015 qui se veut ambitieux, transformateur et à vocation universelle.

Mesdames et Messieurs,

Si l’aide publique au développement jouera bien sûr un rôle primordial, il est tout aussi évident que l’APD à elle seule ne suffira pas pour financer un développement durable et inclusif d’ici 2030. D’autres sources de financement sont tout aussi importantes pour les pays en développement, comme notamment les transferts d’argent des migrants ou encore les investissements étrangers directs. Mais, si les diasporas africaines ont une part importante à jouer, la solution ne viendra pas uniquement avec des fonds de l’extérieur.

La croissance durable de l’Afrique ne se fera qu’avec le développement économique local en Afrique. Je me permets de citer le chiffre de la Banque africaine de développement, qui a enregistré une croissance moyenne de 5 % pour les pays africains en 2014 (Rapport annuel BAD 2014). Cette croissance est avant tout portée par le secteur privé et ne sera durable qu’à travers lui. Il s’agit donc de pérenniser cette croissance et de l’élargir vers les populations les plus démunies, afin de leur permettre de sortir de la pauvreté et de mener une vie en dignité.

Le Sénégal est un bon exemple à citer dans ce contexte, avec l’adoption en 2012 de son Plan Sénégal Émergent (PSE), qui traduit l’ambition de l’Etat du Sénégal de proposer un nouveau modèle de développement pour favoriser une croissance économique à fort impact sur le développement humain. A noter que le Programme Indicatif de Coopération Luxembourg-Sénégal est tout à fait compatible avec cette stratégie d’émergence. Il s’inscrit en effet dans la planification sectorielle et peut répondre aux ambitions de couverture maladie universelle, de développement de pôles régionaux, de formation et d’insertion professionnelle ainsi que de bonne gouvernance.

Au Sénégal comme ailleurs, le développement économique de l’Afrique nécessite des institutions fortes, qui garantissent l’Etat de droit et un climat d’affaires adapté aux besoins des petites et moyennes entreprises. Le but est en effet que l’Afrique puisse faire le pas de l’exportation des matières premières vers la transformation et l’acheminement des produits sur le marché africain et mondial.

Le soutien de chaînes de valeur locales est donc essentiel pour créer des plus-values et de la richesse.

Dans le Programme Indicatif de Coopération que nous venons de signer avec le Mali, nous avons choisi le développement rural comme notre priorité, que nous voulons approcher de manière holistique, en appuyant les chaînes de valeur du secteur agroalimentaire, de la production à la commercialisation, en incluant aussi la formation. Par le choix de nos filières, nous voulons contribuer aussi bien au développement économique du pays qu’à sa sécurité alimentaire.

La formation professionnelle est aussi un secteur prioritaire de nos deux Programmes Indicatifs de Coopération au Burkina Faso et au Niger. Ces programmes viennent à échéance fin 2015, et nous avons d’ores et déjà convenu avec ces deux pays que les futurs programmes garderont cette même orientation. Dans le contexte de ces deux pays, notre souci a toujours été à tisser et à renforcer les liens entre l’éducation et le monde de l’économie, donc à former les jeunes pour les métiers dont l’économie a vraiment besoin. Ainsi, au Niger, nous avons profité en 2014 d’une extension de l’enveloppe du PIC pour ajouter au programme d’éducation et de formation technique et professionnel un appui spécifiquement dédié à la formation et l’emploi des jeunes agriculteurs dans le cadre de la mise en oeuvre de l’I3N (Initiative "Les Nigériens Nourrissent les Nigériens"). Cet appui constitue en quelque sorte une passerelle entre notre programme dans le secteur de l’éducation, et le secteur du développement rural qui est un autre secteur de notre PIC au Niger.

Mesdames et Messieurs,

Beaucoup de défis existent encore pour développer complètement le potentiel énorme de l’Afrique. L’accès à l’électricité en est un exemple. Selon les chiffres de la Banque mondiale (2013), l’Afrique sub-saharienne n’a qu’un accès de 24% à l’électricité. Le développement d’énergies durables doit donc être appuyé pour ainsi donner l’accès à l’électricité aux ménages, mais aussi pour faire baisser les coûts de production des entreprises africaines.

Permettez-moi de citer ici l’exemple du Cabo Verde, qui s’est donné l’ambition d’assurer l’accès énergétique à l’ensemble de sa population et d’entreprendre une transition vers 100% d’énergies renouvelables d’ici 2050. Il s’agit là d’une décision clairvoyante qui lui permettra de gagner l’autosuffisance et de réduire sa vulnérabilité énergétique. Elle est aussi courageuse, puisque la transition énergétique est – il faut le reconnaître - une entreprise pharaonique qui exige la coopération de tous les secteurs de l’économie en étroite collaboration avec des partenaires techniques et financiers internationaux. Le Luxembourg s’est positionné – avec des exemples concrets de coopération à l’appui - comme partenaire stratégique du Cabo Verde dans ce domaine.

L’investissement dans des infrastructures, comme des réseaux routiers, des ports et des aéroports, reste aussi primordial pour désenclaver les économies africaines et de leur donner un accès au marché mondial. La Banque européenne d’investissement est un important bailleur, qui investit beaucoup dans ce domaine et ceci souvent de façon participative, à travers des partenariats publics privés. La Banque africaine de développement en fait de même.

Un domaine où le Luxembourg dispose d’un savoir-faire certain est celui de la connectivité, domaine primordial tant pour le bon fonctionnement de l’Etat, donc la Bonne Gouvernance, que pour le développement de l’économie. Quand le Burkina Faso a demandé notre appui pour développer les TIC dans le pays, c’est tout naturellement que nous nous sommes lancés dans un partenariat public-privé avec la société luxembourgeoise des satellites SES pour élaborer un programme répondant aux besoins burkinabè. Un volet de ce programme consiste d’ailleurs en l’appui à la création de l’Agence Nationale de Promotion des TIC, une agence étatique qui projette fermement de devenir dans les années un partenaire et conseiller incontournable du secteur privé pour tout ce qui concerne l’économie numérique et la connectivité.

Un système financier adapté aux besoins des populations et aux demandes du secteur privé est un autre facteur important. Je me réjouis donc que le secteur bancaire et celui de la finance inclusive en Afrique soient en pleine évolution. J’ai pu moi-même m’en rendre compte il y a dix jours, en participant à l’ouverture de la Semaine africaine de la microfinance à Dakar. La SAM 2015 a été soutenue conjointement par le Luxembourg et le Sénégal et a accueilli plus que 500 professionnels du domaine. Dans ce contexte, je tiens à souligner le savoir-faire de la place financière luxembourgeoise dans le secteur de la finance inclusive, que mon gouvernement soutient déjà depuis 1993. Le Luxembourg abrite, entres autres, le siège de la Plateforme européenne de microfinance, qui décernera le prix européen de la microfinance au mois de novembre prochain dans les locaux de la BEI. Notre partenariat avec la BEI pour des projets de microfinance en Tunisie et, plus globalement, dans la région Afrique Caraïbes Pacifique, sont d’autres initiatives soutenues par le Luxembourg.

Le Luxembourg soutient par ailleurs la facilité FEMIP1 qui agit dans les pays partenaires méditerranéens de la BEI à travers des investissements d’infrastructures de grande ampleur, des crédits aux PME, des garanties pour des projets relativement plus risqués, ou encore des conseils techniques. Le renforcement des relations économiques entre l’Europe et les pays méditerranéens en Afrique est essentiel pour un développement inclusif dans ces régions et y contribue certainement aussi à la consolidation de la paix et de la sécurité. C’est dans cette optique qu’en avril dernier, S.A.R. le Grand-Duc héritier a présidé une mission économique au Maroc et en Tunisie.

Mesdames et Messieurs,

Au vu des tables rondes et des panels prévus aujourd’hui, je me félicite donc que la Journée de l’Afrique 2015 ait parfaitement ciblé les thématiques, qui concernent de premier ordre l’émergence économique de l’Afrique. J’espère que les discussions d’aujourd’hui permettront de voir comment les institutions financières et les agences de coopération peuvent mieux engager le secteur privé et ainsi stimuler une croissance inclusive en Afrique.

Je vous remercie pour votre attention et je vous souhaite de bons débats."

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