Déclaration sur la politique étrangère et européenne de Jean Asselborn à la Chambre des députés

Le ministre des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn, a prononcé le 8 mars 2016 la Déclaration sur la politique étrangère et européenne à la Chambre des députés, deux mois après la fin de la présidence luxembourgeoise du Conseil de l’Union européenne au deuxième semestre 2015 et à un moment où les crises, à commencer par la crise des réfugiés, se multiplient et dominent l’actualité européenne et internationale.

La crise migratoire, couplée aux conséquences de la crise de l’euro et à l’instabilité dans le voisinage de l’Union européenne, mettent l’UE à l’épreuve. Pendant la présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE, le Luxembourg a essayé de trouver des solutions européennes aux crises, et avant tout à la crise des réfugiés, mais la solidarité entre membres de l’Union n’est plus un réflexe automatique, au grand regret du ministre, et les divergences entre Etats membres semblent aujourd’hui plus difficiles à dépasser qu’auparavant. S’y ajoute la possibilité d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Le ministre a indiqué que le compromis du Conseil européen devrait permettre au gouvernement britannique de convaincre ses citoyens de voter en faveur d’un maintien dans l’Union.  

Le ministre a tiré le bilan de la présidence luxembourgeoise, en soulignant que l’un des objectifs luxembourgeois était de placer le citoyen au cœur du projet européen et de tenir compte des intérêts et des préoccupations des citoyens dans la définition des politiques européennes.

Jean Asselborn a mis en avant les efforts entrepris pour développer une politique européenne cohérente pour gérer la crise migratoire, en ligne avec nos obligations internationales de soutien et de protection à ceux qui fuient la guerre et la misère. Ce ne sont pas les barbelés, les murs ou le gaz lacrymogène qui permettent de résoudre les problèmes en Europe, l’histoire l’a bien prouvé, a indiqué le ministre, et il a appelé à gérer cette crise de façon sereine, en faisant preuve de responsabilité et de solidarité. L’Europe ne pourra pas accueillir tous ceux qui frappent à sa porte et il faut dès lors trouver des solutions également avec certains pays d’origine, pour créer des conditions qui permettent à leurs ressortissants de rester chez eux, respectivement d’obtenir que ces pays acceptent de reprendre leurs citoyens quand ils ne tombent pas sous les conventions de Genève de 1951. L’Europe doit en outre développer des voies légales d’immigration, et considérer la migration non pas comme un danger, mais comme une chance à saisir dans l’intérêt de l’avenir économique et social d’un continent européen dont la démographie s’essouffle.

Le ministre a insisté sur la nécessaire mise en œuvre des décisions prises au niveau du Conseil de l’UE, et notamment celle de relocaliser 160.000 réfugiés depuis la Grèce et la Turquie. Des décisions seront à prendre en matière de gestion des frontières extérieures, sur base des propositions faites par la Commission européenne en décembre. Il en va de l’avenir du système de Schengen, qui ne fonctionne que lorsque les règles communes sont respectées par tous. Les contrôles aux frontières intérieures ne pourront être que temporaires si l’on veut éviter des conséquences économiques graves pour le marché unique. 

Le ministre Asselborn a rappelé les efforts du Luxembourg à titre national pour contribuer à la gestion de la crise des réfugiés, et notamment la relocalisation et la réinstallation de réfugiés, mais aussi la mise à disposition de personnel de la Police et de l’Immigration aux agences européennes Frontex et EASO.

Après avoir passé en revue les efforts de la présidence luxembourgeoise dans la lutte contre le terrorisme, dont l’accord sur le système des données de passagers PNR couplé à un accord avec le Parlement européen sur la protection des données dans l’UE, le ministre a relevé le premier dialogue politique avec tous les États membres sur l’État de droit en Europe, un exercice d’autant plus important au cours des prochaines présidences que certains développements laissent craindre que l’État de droit est sous pression dans certains États membres.

Dans le domaine économique, la présidence luxembourgeoise a beaucoup travaillé sur les questions d’investissements pour la croissance et l’emploi, et préparé des décisions importantes sur l’union des marchés des capitaux et sur la sécurité des marchés financiers, sans jamais oublier la dimension sociale de l’UE. Le Luxembourg s’est engagé pour une politique cohérente, inclusive et responsable de l’Union européenne dans le domaine du commerce international. Alors que les travaux sur l’accord de commerce et d’investissement avec les États-Unis, le TTIP, avancent, la présidence s’est beaucoup employée à trouver une solution pour l’arbitrage des différends entre investisseurs et États. Un rendez-vous important pour la présidence a été la dixième réunion ministérielle de l’OMC à Nairobi, qui a permis de trouver des accords importants, notamment pour un meilleur accès aux marchés pour les pays en développement. Le ministre a relevé l’engagement de la présidence luxembourgeoise dans les travaux de la COP21, qui ont mené à un accord fort qui oblige pour la première fois tous les États, développés et en développement, à revoir et à renforcer tous les cinq ans leurs engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

La politique d’élargissement de l’Union européenne reste l’instrument le plus efficace, a affirmé le ministre, pour accompagner des réformes profondes et durables dans les pays des Balkans occidentaux et en Turquie. Il s’est félicité du fait que la présidence luxembourgeoise ait pu ouvrir de nouveaux chapitres de négociation avec la Turquie, le Monténégro et la Serbie. Dans ce contexte, le ministre a dit sa préoccupation devant les récentes atteintes à la liberté de la presse en Turquie. 

Le bilan de la présidence luxembourgeoise est globalement positif. Les objectifs que le Luxembourg s’était fixés dans son programme ont été atteints, et le ministre a remercié tous ceux qui ont contribué au succès de la présidence, et en particulier les quelques 200 jeunes chargés de mission, pour leur engagement.

Le ministre Asselborn a ensuite passé en revue les crises les plus importantes dans le voisinage de l’Union européenne, à commencer par la crise en Ukraine. L’objectif reste la mise en œuvre des accords de Minsk. Les sanctions sectorielles que l’UE avait mises en place en réaction à la déstabilisation de l’Est de l’Ukraine y sont liées et pourront être levées quand les accords seront entièrement mis en œuvre. Pour cela, l’engagement de toutes les parties au conflit est essentiel. En attendant une normalisation des relations, l’UE doit chercher le dialogue avec la Russie dans les domaines qui ne sont pas touchés par les sanctions, en particulier la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme.

L’accord sur le nucléaire iranien a été le seul développement positif dans la région du Proche- et Moyen-Orient. Le ministre a rappelé les tenants et aboutissants de cet accord, en insistant sur le caractère vérifiable du texte et sur le mécanisme de "snap back" qui permet de remettre les sanctions en place si l’Iran ne respectait pas ses engagements. Il faut espérer que l’Iran jouera désormais un rôle plus positif dans la région, et que la situation interne en Iran, en particulier la situation des droits de l’homme, s’améliore à son tour.

Les crises au Moyen-Orient et leurs conséquences humanitaires ont un impact direct sur l’Europe. Le printemps arabe est dans l’impasse. Seule la Tunisie est bien engagée dans un processus de transition démocratique, mais la situation est fragile et les djihadistes tentent de faire dérailler le processus. En Syrie, en Libye et au Yémen, la guerre fait rage, tandis que la situation en Egypte reste compliquée. Le ministre Asselborn a insisté une nouvelle fois sur l’importance d’une solution politique en Syrie et a exprimé l’espoir que les négociations entre le régime et l’opposition pourront réellement démarrer dans quelques jours, sous l’égide de l’envoyé spécial Staffan de Mistura. Le ministre a salué la cessation des hostilités que les États-Unis et la Russie ont réussi à imposer, et appelé également à une cessation des hostilités entre la Turquie et les kurdes en Syrie.

En Libye, le danger d’une implantation durable de Daech est réel et va croissant alors que le gouvernement d’unité nationale n’est toujours pas reconnu par les deux parlements. La communauté internationale doit continuer à faire pression pour que ce gouvernement puisse enfin commencer à travailler.

Le conflit entre Israéliens et Palestiniens n’est toujours pas résolu et fait des victimes presque tous les jours. Il faut craindre que la violence à Gaza explose une nouvelle fois, avec des conséquences néfastes pour la population civile. Le processus de paix est au point mort, alors que les paramètres d’une solution sont connus depuis longtemps. Il est grand temps pour la communauté internationale de réengager les deux parties dans la négociation. C’est avant tout la politique israélienne de colonisation qui rend une solution des deux États impossible. La France essaie de relancer les pourparlers entre les parties. Si cette initiative aboutissait dans une impasse, le Luxembourg devra, avec d’autres États européens, réfléchir à reconnaître l’État palestinien, non pas pour faire un geste symbolique, mais pour contribuer concrètement à la paix, en tenant compte du contexte politique international. 

Ce sont aussi les crises en Afrique qui alimentent les flux migratoires vers l’UE: l’Union européenne continue d’attirer ceux qui fuient la pauvreté, la répression, la corruption et la guerre. Le sommet de la Vallette, sous présidence luxembourgeoise, a marqué une étape importante dans le dialogue l’Europe et l’Afrique sur la migration. 

Le ministre a ensuite passé en revue les engagements luxembourgeois dans le domaine du désarmement et de la non-prolifération des armes de destruction massive. Le Luxembourg continue d’aspirer à un monde plus sûr avec le niveau d’armement le plus bas possible. Le Luxembourg a ratifié le Traité sur le commerce des armes et le gouvernement a déposé dans ce contexte un projet de loi pour renforcer le système luxembourgeois de contrôle des exportations qui sera bientôt examiné par la Chambre. Le gouvernement prend très au sérieux les questions liées au financement du trafic des armes et réfléchit à répliquer l’interdiction du financement des bombes à sous-munitions également dans le contexte de la convention contre les mines antipersonnel, allant ainsi plus loin que le texte des conventions.

Le Luxembourg a pris la présidence du Benelux pour un an au 1er janvier 2016. Le Benelux reste un vecteur important de la politique étrangère luxembourgeoise et le Luxembourg s’efforcera de continuer à faire entendre la voix du Benelux au sein de l’Union européenne. Des réunions ministérielles avec d’autres groupes, en particulier les Baltes et le Visegrad, sont prévues, de même que des visites conjointes des trois ministres des Affaires étrangères. Le programme de la présidence luxembourgeoise du Benelux met notamment l’accent sur la mobilité et la sécurité des personnes, la promotion de la protection de l’environnement et l’approfondissement du marché intérieur du Benelux.

Le ministre Asselborn a finalement passé en revue les derniers développements dans le dossier des relations du Luxembourg, État hôte, avec les institutions européennes et internationales qui ont leur siège ici. Le Luxembourg continue de faire tous les efforts pour offrir les meilleures conditions de travail et de vie aux fonctionnaires européens et internationaux. Les projets de nouvelles constructions, pour le Parlement européen, pour la Commission et pour la Cour européenne avancent bien. La Commission européenne s’est récemment engagée à respecter un pourcentage fixe (12,48%) pour le nombre de ses fonctionnaires qui travaillent à Luxembourg.

Le chef de la diplomatie luxembourgeoise a conclu son discours en citant Willy Brandt, "Frieden ist nicht alles, aber ohne Frieden ist alles nichts", pour rappeler qu’il n’y a pas d’alternative en politique étrangère : il faut tout faire pour contribuer à la recherche de la paix, en s’attaquant aux racines des conflits qui jettent des millions de gens sur les routes. L’Union européenne fêtera en 2017 les 60 ans du Traité de Rome. Ce sera l’occasion de reprendre conscience de l’importance du projet de paix européen qu’il s’agit aujourd’hui de préserver. L’Union a surmonté d’autres crises par le passé et le ministre s’est dit confiant qu’elle réussira également à surmonter la crise des réfugiés, dans le respect des valeurs et des principes sur lesquels elle est construite. 

Communiqué par le ministère des Affaires étrangères et européennes

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