Interview de Jean Asselborn dans L'essentiel

"Le Luxembourg peut perdre gros"

Interview: L'essentiel (Joseph Gaulier)

L'essentiel: Comment négociez-vous avec vos homologues pendant la crise sanitaire?

Jean Asselborn: Avec le confinement en début de pandémie, les entrevues physiques ont été, largement remplacées par des vidéoconférences. Aujourd'hui, il y a davantage d'entrevues avec présence physique, mais le recours à d'autres moyens de communication reste important. Les contacts se font aussi bien avec les gouvernements qu'avec les entités fédérées, comme les Lânder allemands.

L'essentiel: Quelles sont vos craintes quant à la libre circulation?

Jean Asselborn: Une deuxième phase de crise porte sur l'introduction de restrictions aux voyages, comme les obligations de quarantaine. Heureusement, nos pays voisins ont introduit de nombreuses exceptions et je les en remercie. Au niveau paneuropéen, je vois un risque que le droit à la libre circulation prévu dans les traités soit mis en cause. Je ne me lasserai jamais de répéter qu'un virus ne peut être arrêté par des restrictions.

L'essentiel: Est-ce le retour des frontières?

Jean Asselborn: Combattre une pandémie ne saurait aller de pair avec un repli national. 11 faut au contraire mettre en place une coopération étroite, notamment au niveau transfrontalier. Je vois un risque de dégradation de l'esprit Schengen, avec la conscience de l'existence d'une frontière qui se réinstalle dans les esprits. Il faut éviter qu'un changement de mentalité ne s'installe dans la durée. Peu de pays auraient plus à y perdre que le Luxembourg.

L'essentiel: Chaque pays a édicté ses propres restrictions, rendant l'ensemble illisible...

Jean Asselborn: La Commission européenne a très tôt essayé de recommander aux États membres d'adopter des approches communes. Mais ils continuent à définir leurs propres règles. Il faut se mettre d'accord sur des critères pour évaluer les situations épidémiologiques dans les pays et les régions.

L'essentiel: La crise a-t-elle révélé que le Luxembourg était trop dépendant de la libre circulation des frontaliers?

Jean Asselborn: La crise a mis sur le devant de la scène ce qui était déjà bien connu. Les flux de frontaliers illustrent à quel point l'interdépendance entre le Grand-Duché et ses régions voisines est extrêmement forte. Elle est appelée à le rester et ce n'est certainement pas une mauvaise chose! La libre circulation des personnes en est la condition indispensable. Si ce principe a traversé une mauvaise passe, je reste néanmoins optimiste que l'Europe va pouvoir se ressaisir. De mon côté, j'y travaille tous les jours.

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