Jean Asselborn au sujet de la reconnaissance d'un État palestinien

"L'unique chance de survie pour Israël"

Interview: Luxemburger Wort

LW: Federica Mogherini, chef de la diplomatie européenne, préconise la reconnaissance d'un État palestinien. Cette reconnaissance éventuelle est toutefois entre les mains des Nations unies... 

Jean Asselborn: Rappelons que les Nations unies ont consenti un grand pas en ce sens il y deux ans déjà, en accordant à la Palestine un statut d'État observateur à l'Onu. Puis il y eut l'initiative de John Kerry en juillet de l'année dernière, qui malheureusement n'a pas abouti, pour deux raisons principales: Israël poursuivait sa colonisation de la Cisjordanie tout en refusant la libération d'un nouveau lot de prisonniers palestiniens. La partie palestinienne a considéré alors que le projet de Kerry avait échoué et vous connaissez la suite, à savoir les tragiques événements des mois de juillet et d'août de cette année.

LW: Faut-il y voir une totale absence de perspectives nouvelles pour les Palestiniens?

Jean Asselborn: Si des négociations sérieuses ne sont pas enfin entreprises et menées à terme, il est fort probable hélas que la violence perdure. En attendant, les Palestiniens tentent de gagner en légitimité par le rapprochement avec certaines instances internationales, par la possibilité, par exemple, de saisir la Cour internationale de Justice.

LW: Que fait désormais le Conseil de sécurité?

Jean Asselborn: Il entend donner mandat aux deux parties de définir un nouveau cadre de négociation. Une résolution est à l'étude, initiée par la Jordanie. Il faut neuf voix au sein du Conseil de sécurité (qui comprend 15 membres, n.d.1.r.) pour permettre qu'une procédure de résolution soit lancée, sept voix semblent acquises, il en manque deux, et c'est sur la France et le Luxembourg en l'occurrence que les Palestiniens misent leurs espoirs de mise en oeuvre du processus.

LW: Un processus pour la reconnaissance d'un État palestinien dans les frontières de 1967 et avec Jérusalem pour capitale commune?

Jean Asselborn: Dans les frontières de 1967, oui, mais la formule "capitale commune" n'est pas correcte pour ce qui concerne Jérusalem: de fait, Jérusalem -Ouest serait capitale de l'Etat hébreu et Jérusalem -Est deviendrait capitale de l'Etat palestinien.

LW: Concernant les frontières, on connaît l'objection des Israéliens: l'Etat juif dans les frontières de 1967 serait incapable de se défendre...

Jean Asselborn: Ces frontières sont reconnues par le droit international. Par l'Union européenne depuis 2009. Même les États-Unis les reconnaissent comme référents pour toute discussion. Israël ne pourrait plus se défendre? Laissez-moi vous dire que si la situation ne se débloque pas Israël finira par perdre la bataille par la démographie. 

LW: Alors qu'un État palestinien permettrait, au contraire, de réduire la pression démographique arabe sur Israël?

Jean Asselborn: Parfaitement. De fait, la reconnaissance d'un État palestinien est pour Israël la seule chance de survie!

LW: Revenons à l'Union européenne. Il y a une nouvelle initiative de l'Onu donc, mais il y a aussi les initiatives récentes de deux États membres de I'UE.

Jean Asselborn: Oui, la motion du parlement britannique et, surtout, la reconnaissance par la Suède de l'État palestinien. Ces pays ont leurs raisons, que je respecte...

LW: Mais vous préféreriez, sans doute, un "tir groupé"?

Jean Asselborn: Oui. Mon coeur a toujours battu pour un État palestinien, et je considère dès lors qu'il faut lui donner les chances les meilleures. Or ces chances seraient optimisées par une position commune au niveau de l'Union européenne. C'est en ce sens en tous cas que je vais intervenir dans le débat sur le plan communautaire. C'est groupé qu'il faut aller vers la reconnaissance d'un Etat palestinien, car une démarche en ordre dispersé n'aurait pas le même effet.

LW: Êtes-vous optimiste?

Jean Asselborn: Tout dépend de l'attitude du Premier ministre israélien. Si Netanjahu continue de construire à Jérusalem et de la couper ainsi de la Cisjordanie, la mise en oeuvre de deux États deviendrait physiquement impossible.

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