Jean Asselborn au sujet du référendum en Suisse concernant l'immigration

"Je vois cette évolution avec une certaine crainte"

"Je pense que les raisons, si je peux dire un instant un mot là-dessus, parce qu’il y a des tendances anti-européennes comme vous le savez, des partis surtout de l’extrême droite dans l’Union européenne. Il y a Wilders, il y a Le Pen, il y a Strache, il y a aussi l’UKIP en Grande-Bretagne."

Interview de Simon Matthey-Doret:

J’aimerais accueillir un instant le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois, Jean Asselborn. Bonjour Monsieur le Ministre.

Jean Asselborn: Bonjour Monsieur.

Simon Matthey-Doret: Merci infiniment d’être avec nous quelques instants. Pour réagir à cette votation populaire fédérale au niveau de la Suisse qui a donc dit oui à cette initiative de l’UDC contre l’immigration de masse. On attend encore le final cut, mais c’est quasiment fait. Comment réagissez vous, j’allais dire en tant que luxembourgeois, partenaire de la Suisse dans beaucoup d’affaires, et comme européen, à ce scrutin ?

Jean Asselborn: D’abord il faut évidemment accepter le résultat, parce que c’est la volonté du peuple suisse, mais comme vous le dites indirectement je vois cette évolution avec une certaine crainte pour les relations entre la Suisse et l’Union européenne. Je pense que les raisons, si je peux dire un instant un mot là-dessus, parce qu’il y a des tendances anti-européennes comme vous le savez, des partis surtout de l’extrême droite dans l’Union européenne. Il y a Wilders, il y a Le Pen, il y a Strache, il y a aussi l’UKIP en Grande-Bretagne. Ça c’est d’un côté, de l’autre côté vous avez la politique du Premier ministre Cameron en Grande-Bretagne où il y a une énorme contradiction. Ils se donnent beaucoup de peine pour garder l’Ecosse au sein du United Kingdom et d’un autre côté vous savez qu’il y a des gesticulations de lui-même, de son parti, pour sortir de l’Union européenne. Et je pense que cela a peut-être généré de la confusion aussi en Suisse, mais bon il faut accepter le résultat, mais cela aura des conséquences.

Simon Matthey-Doret: Est-ce que ça aura des conséquences qu’on crête sur les relations entre Bruxelles et Berne, Monsieur le Ministre ?

Jean Asselborn: Oui, je pense que d’abord il y a la clause guillotine, mais je ne veux pas être radical avec vous, mais il y a une certaine logique, c’est-à-dire que la libre circulation des citoyens de l’Union européenne a un pendant et le pendant c’est l’accès privilégié au marché intérieur. Les deux sont liés et si j’ai bien compris, c’est quand même chaque troisième Franc suisse qui est gagné par le marché avec l’Union européenne, donc cela aura, ou pourrait avoir, des conséquences directes ou indirectes sur l’emploi suisse. Vous savez que l’Union européenne n’est pas une organisation qui refuse toute négociation en toutes circonstances, mais la liberté de circuler des citoyens de l’Union européenne ne saurait être bradée, ni son principe, ni s’il s’agit aussi d’accords avec des pays tiers comme la Suisse. Ça c’est très clair.

Simon Matthey-Doret: Je repose la question autrement, la clause guillotine n’est donc pas exclue à partir de maintenant, selon vous ?

Jean Asselborn: Non, je répète ce que j’ai dit. Il y a une co-relation évidente entre la libre circulation des citoyens qui est quand même quelque chose de très, très important, qui identifie aussi les valeurs de l’Union européenne et d’un autre côté donc l’accès privilégié au marché intérieur. Cela est lié. On ne peut pas, disons dire que les vieux principes n’ont rien à faire l’un avec l’autre. Donc la Suisse s’est aujourd’hui prononcée à une majorité très, très petite. Mais elle existe quand même pour réduire cette libre circulation. Alors évidemment il faut aussi prendre en compte des conséquences et cela ne se passera pas sans conséquences pour les relations entre l’Union européenne et la Suisse.

Simon Matthey-Doret: C’est clairement dit par vous Jean Asselborn, oui Vincent Bourquin.

Vincent Bourquin: Oui, les Etats membres auront bien sûr leur mot à dire. Alors vous personnellement, pour le Luxembourg, Monsieur le Ministre, qu’est-ce que vous allez prôner ? Vous aller prôner la clause guillotine, vous aller prôner de se calmer un peu la situation ? Qu’est ce que le Luxembourg va proposer à Bruxelles ?

Jean Asselborn: Non, mais le Luxembourg fait partie des 28 Etats de l’Union européenne. Demain les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne vont se réunir à Bruxelles. Je pense qu’on va en discuter. Surtout aussi peut-être mardi lors du Conseil Affaires générales. Le Luxembourg ne va rien proposer de spécial. Le Luxembourg est un pays qui prône l’intégration européenne, donc aussi une solidarité dans les positionnements de l’Union européenne. Je pense que la Suisse elle reste la Suisse, évidemment, mais dans ses relations directes, la clause guillotine mais avec tous les accords bilatéraux datent, si j’ai bien en tête, du début des années 1990. Donc on a quand même une très grande tradition à faire évoluer positivement les relations entre la Suisse et l’Union européenne et il faut bien savoir que ceci est dans une certaine mesure un coup d’arrêt.

Simon Matthey-Doret: Oui, un coup d’arrêt, Jean Asselborn vous évoquez le UKIP, la Grande-Bretagne, etc., d’autres pays. Est-ce que la Suisse, concernant l’immigration, va donner le ton alors qu’elle n’en est pas membre à d’autres pays de l’Union européenne.

Jean Asselborn: Non, je ne pense pas, mais je pense que certains citoyens suisses peuvent avoir été influencé négativement par les débats que nous avons dans l’Union européenne à ce sujet.

Simon Matthey-Doret: C’est plutôt dans ce sens là.

Jean Asselborn: Il faut quand même aussi préciser que ces tendances-là ne dépasseront pas 10 à 15% pour le vote pour le parlement européen au mois de mai. Donc ce sont des minorités mais qui sèment quand même la confusion. Mais bon, moi je respecte le résultat du peuple suisse. Le peuple suisse doit aussi respecter les valeurs de l’Union européenne.

Simon Matthey-Doret: Merci infiniment Jean Asselborn Ministre luxembourgeois des affaires étrangères. Monsieur le Ministre vous étiez quelques minutes avec nous pour réagir à ce scrutin suisse. Je vous souhaite une bonne journée.

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