Discours de Jean Asselborn à l'occasion de la réunion avec le groupe des ambassadeurs africains accrédités au Luxembourg

Excellences,

Chers collègues,

Mesdames et Messieurs,

C’est un plaisir pour moi de vous accueillir de nouveau au Luxembourg, dans le cadre de cette désormais traditionnelle rencontre avec les Ambassadeurs africains.

C’est la quatrième fois que nous nous réunissons dans ce format, ce qui témoigne de la ferme volonté du Luxembourg de renforcer son partenariat avec le continent africain. 

Vous conviendrez avec moi, chers collègues, qu’entre partenaires la compréhension mutuelle est primordiale.  Je tiens particulièrement à cette réunion qui nous permet, dans un cadre relativement informel, d’échanger sur des sujets d’intérêt commun et de renforcer nos liens.

Je voudrais orienter notre discussion aujourd’hui sur trois sujets principaux :

- Dans un premier temps, je voudrais aborder mes plus récents déplacements en Afrique, dans le cadre du Conseil exécutif de l’Union africaine qui a eu lieu les 27 et 28 janvier à Addis Abeba et de ma participation le 7 avril à la 20ème Commémoration du génocide au Rwanda.

- Dans un deuxième temps, je voudrais revenir sur le Sommet Afrique-UE qui a eu lieu les 2 et 3 avril à Bruxelles. J’ai eu l’honneur de mener la délégation luxembourgeoise à cette occasion qui a réuni au plus haut niveau quelque 90 délégations en tout.

- Finalement, je voudrais aborder les travaux liés au mandat non-permanent du Luxembourg au Conseil de sécurité où le Luxembourg s'engage tout particulièrement sur des sujets africains, comme nous l'avions annoncé lors de notre campagne.

- Je vous propose, sans plus tarder, de débuter notre session de travail. Après quelques mots d’introduction de ma part, j’ouvrirai la discussion pour un débat plus général.

Mais d’abord, permettez-moi de rappeler que le 5 décembre 2013 restera à toujours gravé dans notre mémoire collective. Ce jour, non seulement l’Afrique, mais toute l’humanité a perdu un modèle d’homme d’Etat, Nelson Mandela. Madiba incarne les valeurs universelles de la liberté et de la réconciliation.

1. Partenariat avec l’Afrique

Excellences,

Permettez-moi de vous rappeler que le Luxembourg entretient une relation de longue date avec l’Afrique, qui remonte aux années 1950. Depuis plus de 60 ans, le Luxembourg, membre fondateur de l'Union européenne, contribue à la mise en place d’un partenariat privilégié entre l’Europe et l’Afrique. Sur le plan bilatéral, le Luxembourg s’est toujours engagé en Afrique, à travers le partenariat pour le développement et la coopération. Le gouvernement du Luxembourg s’est engagé de maintenir à 1% du RNB l'effort d'aide publique au développement, malgré les contretemps économiques des dernières années qui se sont traduits en réductions budgétaires dans bien d'autres domaines au Luxembourg. Bien qu’il ne soit pas envisagé d’augmenter le nombre des pays partenaires de la coopération luxembourgeoise, 5 sur les 9 partenaires sont africains.  

L’ambition du Luxembourg, dans sa relation avec l'Afrique, va toutefois au-delà de la seule coopération au développement. Malgré sa taille limitée, le Luxembourg compte désormais quatre ambassades sur le continent africain : au Cap Vert, au Sénégal, au Burkina Faso et, depuis 2011, à Addis Abeba, celles à Dakar et à Ouagadougou étant co-accréditées au Mali respectivement au Niger. Le Luxembourg est déterminé à renforcer ses relations politico-diplomatiques, économiques et culturelles avec le continent africain. Le Luxembourg est demandeur d’un dialogue régulier, franc et ouvert avec ses partenaires, sur tous les dossiers d’intérêt mutuel et basé sur les principes fondamentaux et les valeurs universelles que nous partageons tous : la dignité humaine, l’égalité, la solidarité, et le respect des droits de l’homme.

J’ai eu l’honneur d’assister en janvier à la 24èmesession ordinaire du Conseil exécutif de l’Union africaine, en tant qu’observateur. Il s’agissait de ma septième participation à ce rendez-vous dans la capitale éthiopienne qui s’est établie comme l’un des hauts-lieux de la diplomatie internationale. Ma participation systématique et l’implantation du Luxembourg à Addis illustrent cette volonté luxembourgeoise de renforcer ses relations avec l’Afrique, avec son organisation continentale - l’Union africaine - et avec les pays du continent. J’ai pu profiter de l’occasion pour multiplier les échanges de vues avec mes homologues africains sur les grands dossiers de l’actualité internationale, notamment ceux qui figurent à l’ordre du jour du Conseil de sécurité des Nations Unies. J’ai eu l’occasion de rappeler le soutien que le Luxembourg apporte à l’Union africaine dans des domaines variés comme celui des Technologies de l’information et de la Communication, de la Réforme du Secteur de la Sécurité et des efforts de maintien de la paix, notamment en République centrafricaine et dans la lutte contre l’Armée de résistance du Seigneur.

Le 7 avril, le monde a commémoré pour la vingtième fois du génocide au Rwanda qui a eu lieu en 1994. J’ai personnellement eu l’opportunité de participer aux cérémonies à Kigali et je tiens d’ailleurs à remercier vivement les autorités rwandaises de m’avoir permis d’assister à une cérémonie qui m’a marquée tant par l’émotion qu’elle a suscité que par la force d’esprit dont fait preuve le peuple rwandais. Cette commémoration nous rappelle l’échec de la communauté internationale et la violence extrême avec laquelle quelques 800'000 êtres humains ont été cruellement tués en seulement 100 jours. Face à l’atrocité de ces faits inqualifiables, il revient à nous tous d’insister sur le devoir de mémoire, afin de reconnaître les erreurs du passé et de nous rappeler la nécessité de prévenir de tels crimes dans le futur.

Les événements très graves des dernières semaines en République centrafricaine et au Soudan du Sud, mais également les crises humanitaires et des droits de l'homme en Syrie ou en République populaire et démocratique de Corée, qui durent depuis des années, voire des décennies et ont fait des centaines de milliers de morts montrent accusent notre échec collectif. Malgré nos appels au « plus jamais ça », nous n'avons toujours pas appris, en tant que communauté internationale, de dénoncer les manœuvres politiques qui mènent à la souffrance humaine pour des millions de personnes.

2. Sommet Afrique-UE

Excellences, chers collègues,

Il y a environ trois semaines maintenant, j’ai eu l'honneur de mener la délégation luxembourgeoise au quatrième Sommet Afrique-Union européenne qui a rassemblé à Bruxelles quelques 90 délégations représentant les Etats d’Afrique, de l’Union européenne et des organisations internationales. 

Le thème du sommet de Bruxelles a été judicieusement choisi : « Investir dans les personnes, la prospérité et la paix ».  Il a permis de relever à quel point nos continents sont étroitement liés, aussi bien par les défis que par les opportunités qui naissent de la dynamisation des échanges entre l’Afrique et l’Europe. Dans ma contribution aux discussions au cours des deux journées de Sommet, j’ai rappelé la responsabilité partagée entre Africains et Européens dans la mise en place des cadres institutionnels et sécuritaires qui permettent à nos citoyens de réaliser les opportunités de développement socio-économique qui se dressent à l’horizon. L’Union européenne a les outils et la volonté de continuer à mettre en œuvre ce partenariat et le Luxembourg contribuera au façonnement des liens privilégiés qui existent entre nos deux continents.

Il est vrai que tous les sujets qui ont été abordés à Bruxelles n’ont pas fait l’unanimité, et que la préparation du sommet n'était pas toujours aisée. Cependant, le fait de disposer d’une enceinte dans laquelle l’on puisse avoir un débat franc fait partie d’un partenariat dynamique, entre pairs. Je ne peux que me réjouir de l’atmosphère constructive et conviviale qui a marqué ce quatrième Sommet et des résultats que nous avons pu y réaliser.

Je voudrais, dans ce contexte justement, dire quelques mots sur nos relations économiques. Le succès du business forum UE-Afrique, qui a précédé le sommet de Bruxelles et a réuni plus de 700 participants, n’est qu’une preuve parmi d’autres que l’Afrique est en train de se tailler sa place dans l’économie mondiale.

Pour l’Union européenne, le continent voisin est un partenaire économique dont il serait une erreur de négliger l’importance. Notre proximité géographique, les conditions linguistiques, notre histoire commune sont de bonnes raisons expliquant pourquoi un tiers du commerce africain se fait déjà avec l’Union européenne, qui est ainsi le plus grand marché pour les biens africains. Le commerce UE-Afrique a augmenté de 45% entre 2007 et 2012 et ce malgré la crise économique et financière.

Avec la conclusion d’un premier accord de partenariat économique (APE) avec l’Afrique de l’Ouest, une nouvelle ère s’ouvrira pour les relations économiques entre l’Afrique et l’Union européenne. Des relations fondées plus que jamais sur l’équilibre. Je dis cela sans oublier que cette nouvelle relation constitue également un grand défi que nous devons relever ensemble : en proposant l’expérience de l’Union européenne pour promouvoir l’intégration entre les pays africains, mais aussi en investissant ensemble dans l’amélioration du climat des affaires en Afrique. Une bonne gouvernance économique me semble ici un élément indispensable, gouvernance qui, je tiens à le souligner, devrait être la norme pour tous les acteurs, autorités étatiques et entreprises.

Le secteur privé, qui est responsable pour 90% de l’emploi dans de nombreux de pays en développement, s’impose finalement comme un partenaire essentiel dans la lutte contre la pauvreté. Plusieurs grandes entreprises luxembourgeoises sont déjà présentes en Afrique et nous voyons clairement leur intérêt grandir. Je me permets de citer seulement quelques exemples, à savoir l’ouverture récente d’un bureau d’Arcelor Mittal à Dakar, l’ouverture d’un bureau de SES Astra à Addis Abeba après Johannesburg et Accra ou encore l’intérêt qu’exprime notre société nationale de fret aérien Cargolux pour les marchés africains. Il s’agit maintenant de convaincre également les petites et moyennes entreprises qu’investir en Afrique ouvre d’intéressantes opportunités. Nous sommes prêts à tout faire pour sensibiliser nos entreprises au besoin d'investir et d'intervenir dans les pays africains de manière responsable et durable.

3. Mandat non-permanent du Luxembourg au Conseil de sécurité des Nations Unies

Excellences, dear Colleagues,

The last time we met here in Luxembourg, the Grand Duchy was still campaigning for a non-permanent seat in the United Nations Security Council – a campaign that was successful in the end. I would like to seize this opportunity to thank you again for supporting Luxembourg’s candidacy during the elections in October 2012.

Luxembourg is proud to have been granted this responsibility and it is an honour for us to be able to contribute to the work of the Council towards international peace and security. During our mandate, we have been particularly attentive to the priorities of our African partners. We have always aimed to discuss the subjects that affect them directly, in order to make sure that their voice is heard in the Council. I am particularly grateful for the many open and constructive debates I had so far with my African counterparts, be it in New York, in Addis, in Brussels or here in Luxembourg.

If you’ll allow, I would like to dwell for a moment on the situation in three countries that have recurrently appeared on the agenda of the Security Council.

The developments in the Central African Republic are dramatic as regards the security situation, the humanitarian situation and respect of Human Rights. The country continues to be engulfed in the crisis, despite the important efforts of the African-led mission MISCA, the French troops of the Sangaris operation and the recently launched European mission EUFOR RCA. Luxembourg supports these efforts, be it through a financial contribution to MISCA, to the African Union’s work in the field of security sector reform in the CAR, or through its active participation in EUFOR RCA. I can only welcome the Security Council’s decision earlier this month to launch a peacekeeping operation, an option for which Luxembourg has consistently advocated over the last months.

Since December last year, we are following with great concern the developments in South Sudan, which has been hit by violent fighting, barely more than two years after its independence for which the People of South Sudan have endured so many sacrifices. We a profoundly worried by the deterioration of the situation and the grave violations of human rights and atrocities committed these past weeks against civilians, among which  many women and children. Luxembourg supports the resolute action of the United Nations Mission in South Sudan (UNMISS) to protect civilians that, because of the ongoing fighting, seek shelter in its camps. It is completely unacceptable that the mission and its leadership are targeted by politically motivated attacks. To ensure the security of displaced people and to encourage their safe return to their homes, there is no alternative for belligerents to prove their willingness to effectively implement and respect the cessation of hostilities and to work towards a lasting solution. Those responsible for the crisis will have to be held accountable

Luxembourg has been particularly affected by the crisis that erupted in Mali in 2012. It has destabilized a long time partner of the Luxembourg Development Cooperation, with whom strong ties have developed over the years. I am honoured to have been able to reaffirm these ties during my most recent meeting with His Excellency the President of the Republic, Mister Ibrahim Boubacar Keita. More than one year now since the intervention of the French mission Serval, progress is considerable and Mali has returned to constitutional order after successful presidential and parliamentary elections. An important next step will be the launch of inclusive talks with all the communities of the North. It is however important not to forget that Malian crisis has to be placed in a wider context of fragility that threatens the entire Sahel region. Luxembourg welcomes in this regard the different ongoing initiatives that aim at creating an operational platform for addressing the challenges that region is currently facing. In the Sahel aswell, Luxembourg’s engagement goes beyond its well-established development cooperation ties. Luxembourg actively contributes to efforts in the area of security sector reform and the strengthening of capacities in the field of internal security by participating in the EU’s civil and military missions in Mali and Niger.

During our presidency of the United Nations Security Council in March this year, which according to the UN Secretariat has been the busiest month in the last five years, we have taken great care to remain true to our partnership with Africa. Of the seven resolutions adopted, five referred to African countries. During this month, discussions on the launch of a United Nations peacekeeping operation in the Central African Republic have been launched. During the formal meetings, the Council has discussed the situation in Sudan, South Sudan, Somalia, CAR, Libya, Sierra Leone and Burundi. Regarding thematic dossiers, Luxembourg’s first priority is the situation of children in armed conflict. On March 7th, the Council has adopted unanimously resolution 2143 dedicated to this topic. This resolution extends the normative framework to encourage protection of schools against attacks and the reinforcement of national and international capabilities to prevent the recruitment and use of children.

Beyond the geographical issues on the agenda of the Security Council, I would like to briefly comment on the situation in one country of Northern Africa, after my most recent meeting with the Secretary of State for Foreign Affairs of Tunisia, His Excellency Mister Fayçal Gouia. I would like to welcome the political transition in Tunisia – where a revolution was born that has inspired the Arab Spring. I admire the process that led to the adoption of a Constitution geared towards universality. It can serve as an example and a reference for many other countries. It has been a historic transition towards democracy.

To conclude, I can assure you that Luxembourg always has and always will be listening to Africa. It will spare no effort to advocate for the strengthening of the relations between our continents. Only by nurturing these links, we can offer the perspectives for development and prosperity that we owe to the people of Africa and Europe.

Excellences,

I have already monopolized this discussion for too long. I would like to pass on the floor to you now, to hear your point of view on the subjects that I have just raised and your suggestions on how to strengthen our relations.

I thank you for your attention.

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