Interview dans l'essentiel.lu avec Xavier Bettel

'Je ne serai ni l'avocat d'Israël, ni celui de la Palestine'

Interview avec lessentiel.lu (Thomas Holzer)

lessentiel.lu: Avez-vous fait le deuil de votre fonction de Premier ministre?

Xavier Bettel: Chez moi, la politique n’a jamais été une question d’ego, mais plutôt d’engagement. Au-delà du titre, il était nécessaire de mettre en place une majorité stable.

lessentiel.lu: Sans regret donc?

Xavier Bettel: C’est sûr qu’il y a un petit pincement au cœur, car je m’entendais bien avec les fonctionnaires de mon équipe. Le dernier Conseil européen a été difficile. Chacun venait avec son petit mot d’hommage.

lessentiel.lu: Cette proximité avec les dirigeants constitue un vrai plus…

Xavier Bettel: Ah oui, j’ai des échanges SMS une fois par jour ou au moins quelques fois par semaine, avec l’un ou l’autre chef d’État ou de gouvernement étranger. Tout comme avec Luc Frieden.

lessentiel.lu: Comment allez-vous fonctionner avec le Premier ministre?

Xavier Bettel: Bien! Les programmes étaient assez proches, ce qui facilite la tâche. Nous avons les mêmes vues pour l’avenir du pays, ça aide. Notre relation? Elle est amicale, de confiance et de respect mutuel, ce qui est primordial.

lessentiel.lu: Quand s’est déterminé ce nouveau rôle?

Xavier Bettel: Assez rapidement, à partir du moment où le CSV était d’accord pour me le confier. Mais cela m’a toujours intéressé. C’est une prolongation de ce que je faisais en tant que Premier ministre, avec en plus la Coopération et le Commerce extérieur. Une manière de m’occuper de tout ce qui n’est pas dans le pays. Sans oublier ce qu’il y a dans ce pays.

lessentiel.lu: À ce propos, l’asile et l’immigration ne font plus partie des prérogatives du MAE…

Xavier Bettel: C’est une question de cohérence. Comme dans les autres pays européens, l’immigration doit revenir à un ministre souvent présent dans le pays (NDLR: Max Hahn est en charge du Vivre ensemble et de l’Accueil, Léon Gloden des Affaires intérieures) ce qui entre en contradiction avec mon nouveau portefeuille. Seul le Luxembourg associait cela aux affaires étrangères.

lessentiel.lu: Ce n’est donc pas une volonté de s’éloigner des sujets nationaux…

Xavier Bettel: Non, non, je suis là… Je n’oublie pas d’où je viens et ce qui se passe ici au quotidien m’intéresse.

lessentiel.lu: Peut-on s’attendre à des évolutions au niveau des Affaires étrangères?

Xavier Bettel: Il y aura peut-être des nuances, car Jean (Asselborn) et moi n’avons pas la même personnalité. Mais je m’inscris dans la continuité. Des changements dans la continuité, devrais-je plutôt dire. Pour moi, la diplomatie, c’est aussi trouver des opportunités économiques pour le pays à l’étranger, afin que le Luxembourg reste attractif.

lessentiel.lu: Quelle est votre position sur la guerre entre Israël et le Hamas?

Xavier Bettel: Qu’on ne me demande pas de dire si je suis pour Israël ou pour Gaza. Nous sommes pour la paix, pour les civils qui trinquent à chaque fois qu’il y a des guerres. Pour une solution à deux États aussi, la seule à moyen et long terme. Encore faut-il une volonté des deux côtés. Je suis assez peu confiant sur une issue rapide, compte tenu de la situation actuelle.

lessentiel.lu: M. Asselborn avait un point de vue critique envers Israël. Et vous?

Xavier Bettel: Je suis pragmatique, je ne serai ni l’avocat d’Israël, ni celui de la Palestine. Si des actions ne sont pas justifiables, je les condamnerai. D’un côté comme de l’autre. Israël a été attaqué, c’est un fait. Il y a eu plus de 1 200 morts. Mais la réponse doit respecter le droit humanitaire et les droits de l’homme.

lessentiel.lu: Le Luxembourg pourrait-il reconnaître l’État de Palestine?

Xavier Bettel: Aujourd’hui, ce n’est pas le plus important. Le fait d’avoir deux États entraînerait bien sûr une reconnaissance par la suite. Ce n’est pas encore le cas. Donc à quoi bon?

lessentiel.lu: La guerre en Ukraine semble passée au second plan…

Xavier Bettel: Ce serait la plus grosse erreur. Il est important de soutenir l’Ukraine, et le Luxembourg n’a pas l’intention de réduire son aide.

lessentiel.lu: Le monde se transforme. Comment se positionne le Luxembourg face aux puissances émergentes?

Xavier Bettel: Il faut arrêter de voir des ennemis partout, mais plutôt des partenaires à géométrie variable. La Chine n’est pas mon ennemi. Il faut parler à tout le monde. Ces cinq années seront des années de dialogue.

lessentiel.lu: On vous prête des ambitions européennes…

Xavier Bettel: Cela fait plaisir, c’est gentil, mais ce n’est pas à l’ordre du jour.

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